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L’argent indécent s’étale, de la fortune cantonale à la liquidation du Crédit Suisse. Mais derrière cet argent se tient le pouvoir. Depuis des années, les Conseils d’Etat qui se sont suivis ont entrepris de démanteler le service public et le secteur subventionné jusqu’à le mettre en danger d’écroulement.
1. La clé de la situation est le rapport de forces. Le Conseil d’Etat table sur l’épuisement, voire la désagrégation du mouvement de revendication et de lutte. Nous, nous parions sur sa permanence, voire son élargissement et son approfondissement jusqu’à ce que le gouvernement réponde à nos revendications et fasse des concessions significatives. Aujourd’hui, personne ne peut dire quel sera l’avenir du mouvement mais personne, non plus, ne peut en nier les possibles.
2. L’indexation de 1,4% imposée par le Conseil d’Etat n’est pas simplement une question d’économies à réaliser sur le dos des salarié·es, de mesquinerie ou de mépris. Le Conseil d’Etat a construit une stratégie plus vaste et de plus longue portée. De même, après des mois de mouvement et l’ouverture d’une première (et très fragile) « négociation », l’enjeu n’est pas que le Conseil d’Etat perde la face. L’enjeu est plus fondamental. Le Conseil d’Etat a mis en place un projet stratégique destiné à ruiner et précariser les automatismes salariaux, indexation et annuités, dans la fonction publique comme dans les secteurs subventionnés. Ces mécanismes n’ont jamais été automatiques. Le Conseil d’Etat peut les limiter et les contraindre, y compris en invoquant une base légale. Mais ce qu’il a fait en décembre 2022 représente un saut qualitatif. Il a disposé de manière discrétionnaire de l’argent des automatismes salariaux pour l’attribuer à un certain nombre d’autres politiques. Le Conseil d’Etat fait du démantèlement du système salarial une stratégie.
3. Sur le plan du rapport entre public et parapublic, le Conseil d’Etat n’agit pas non plus ponctuellement. Avec le parapublic, c’est un système de délocalisation sur place qui a été organisé. L’Etat est subventionneur, donneur d’ordre et centre de direction pour activer l’activité du secteur subventionné. Il impose les objectifs, les moyens mais aussi les critères de gestion.
C’est parce que l’Etat et les institutions sous-traitantes se trouvent devant une véritable menace d’écroulement, devant une crise de l’organisation du travail, de gestion des ressources humaines, de recrutement de la force de travail, de dégradation profonde des conditions d’activité, que le Conseil d’Etat donneur d’ordre et ses relais ont été contraints d’envisager une amélioration très limitée dans ces secteurs. Une ouverture vers l’égalisation des salaires avec la fonction publique. Mais cette orientation est à la fois extrêmement limitée et fragile. C’est la logique de la délocalisation, du commandement et du blocage des salaires d’une partie très significative des employé·es qui domine. C’est la limitation des améliorations et le maintien des stratégies austéritaires qui s’impose
toujours et partout.
4. Nous avons deux urgences: obtenir une augmentation effective des salaires pour 2023 et une garantie que l’indexation (octobre 2022 à octobre 2023) correspondra au plein renchérissement de l’IPC. Notre objectif de pleine indexation reste naturellement la clé de notre stratégie. Cela signifie que nous avons une revendication de compensation automatique du renchérissement pour les salaires de la fonction publique et du secteur subventionné, à même hauteur, dans des conditions d’égalité.
5. Comme nous l’avons dit dès le début de ce mouvement, l’indexation (que le Conseil d’Etat a baptisée compensation salariale) ne concerne pas que les salaires directs des 70’000 employé·es du secteur étatique et du secteur parapublic. Elle touche tous les éléments du salaire socialisé (aides, bourses, subventions, rentes). Il s’agit de tous les indexer. Cette question doit faire l’objet d’une négociation spécifique entre les organisations qui interviennent sur la question du salaire socialisé et l’Etat. Nous revendiquons l’indexation de tous·tes les apprenti·es et stagiaires du secteur parapublic, immédiatement, à égalité de traitement avec celles et ceux de l’Etat. Nous rappelons que des améliorations sont nécessaires et urgentes dans ce domaine, en parallèle de l’indexation.
6. Il nous faut de l’argent concret, immédiatement. Augmenter les salaires, garantir les automatismes salariaux, indexation et annuités, c’est la base de la confrontation qui nous oppose aujourd’hui à l’Etat subventionneur et employeur. Le Conseil d’Etat doit reconnaître le principe de l’égalité de traitement entre fonction publique et secteur subventionné. L’augmentation des salaires doit parvenir dans le porte-monnaie des salarié·es au plus vite, mais en tout cas avant la fin de l’année 2023. Elles doivent s’intégrer aux grilles salariales de manière pérenne, avec un effet sur la carrière et sur la retraite.
7. Sans une offre conséquente pour le financement des salaires, la négociation ne peut avancer. En particulier, la tentative du Conseil d’Etat pour mettre en avant des moyens pour des améliorations dans des domaines comme le social, la santé, l’éducation ou la sécurité (intégrant en leur sein d’éventuelles revalorisations ou améliorations salariales) ne remplace en aucune manière l’actuelle négociation sur la question salariale et sur les garanties pour l’indexation et les annuités. Toutes les questions qui sont sur la table doivent donc être négociées dans un cadre spécifique et adapté. C’est le cas également pour tout ce qui relève des conditions de travail, de salaire et de statut dans le secteur subventionné tout autant que pour l’aire du salaire socialisé que nous avons mentionnée plus haut.
8. Nous mettons toutes nos forces pour faire avancer et élargir le mouvement en cours. Ce 28 mars est une occasion décisive pour rassembler nos forces. Nous mettons également l’accent sur le fait que du 27 au 31 mars, c’est bien une semaine d’actions qui se tient. De nombreuses initiatives sont en cours à ce propos dont nous informerons ponctuellement.
9. SUD soutient que l’interruption des négociations le 22 mars a répondu à une offre humiliante de la part du Conseil d’Etat, soit 15 millions en tout et pour tout à se partager entre public et parapublic, avec de surcroît une claire menace contre l’indexation des salaires pour 2024 et pour les années suivantes.
10. La mobilisation en cours doit nous permettre d’imposer à l’employeur subventionneur une nouvelle rencontre pour reprendre effectivement des négociations.
11. Après la journée du 28 mars, les travailleurs·euses et les syndicats devront évaluer la situation, la force de la mobilisation, l’évolution et la profondeur de la crise politique que subit le gouvernement et décider comment le mouvement continue.
12. La clé de tout, encore une fois et pour conclure, c’est le rapport de forces.