Les paroles d’aujourd’hui
annoncent les grèves à venir
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La lutte des femmes traverse le syndicalisme et le transforme, par l’émancipation, vers l’égalité. Ceci est évident quand, dans nombre de pays, la Grève générale des femmes est proclamée pour le 8 mars. Mais, même chez nous où les combats sont plus modestes, une telle affirmation est juste.
Dans les secteurs où nous agissons, public, parapublic, communal, de grandes questions reviennent en ce 8 mars 2018. Nous n’allons pas les énumérer toutes mais en reprendre quelques-unes pour faire le point sur les revendications qu’il faut faire aboutir.
L’égalité salariale est et demeure une question d’actualité. Nous avons vu le mépris avec lequel une telle revendication est traitée au Conseil des Etats. Nous constatons chaque jour combien le discours officiel est formel et combien la réalité est difficile à transformer et nécessite la construction systématique d’un rapport de forces.
L’employeur public cantonal prétend que cette question est résolue à l’Etat de Vaud. C’est faux, nous le savons bien. Dans la situation au travail, dans le positionnement salarial, l’inégalité générale faite aux femmes pèse de manière déterminante. Ce sont elles qui se concentrent dans les secteurs aux qualifications réduites et aux bas salaires. Ce sont elles aussi qui, mieux qualifiées, n’en subissent pas moins la pression au temps partiel, aux carrières fragilisées.
Cette question ne peut être résolue par l’égalité formelle des classifications. Elle doit être traitée par l’institution d’un salaire minimum: le fameux 4’000 par mois x 13, avec une progression salariale sur la carrière égale à celle de toutes les autres fonctions. C’est la seule manière de porter les groupes de femmes majoritaires dans les classes 1 et 2 au niveau 3 comme classe d’engagement minimum à l’Etat de Vaud. Et ce mouvement de relèvement salarial doit s’étendre à tout le secteur subventionné, notamment dans les CCT du social et de la santé.
Il implique également que cessent les stratégies de sous-traitance, d’externalisation, de privatisation qui servent toutes à l’employeur public pour aller chercher de bas salaire et promouvoir la précarisation. Au contraire, il est urgent de réinternaliser ces activités.
Mais il ne s’agit pas seulement de combattre les bas salaires. Il faut se saisir d’autres problèmes, notamment en termes de retraite. Par la division inégale des tâches éducatives et familiales, les femmes, quel que soit leur niveau de rémunération et de qualification, se retrouvent dans des parcours professionnels fragilisés avec des conditions de retraites souvent difficiles. Il faut commencer à compenser cette inégalité. Par exemple, les femmes pourraient être créditées d’une année de cotisation supplémentaire à la Caisse de pensions afin que commence à être reconnu, bien modestement, leur apport sur tout le terrain de la prise en charge des proches. Cette compensation ne résout pas le problème de l’inégalité de genre dans la division des tâches. Cette question, il faut s’y attaquer radicalement. Et les hommes doivent, naturellement, prendre leurs responsabilités dans ce qui est une lutte à la fois pour l’égalité et pour la liberté.
Mais l’organisation générale du travail est également un facteur déterminant. L’extension du temps contraint, la rigidité des horaires, le manque évident de conciliation entre vie professionnelle et vie privée rendent la vie des femmes difficile, épuisante. Il y a un besoin social de réduction et de réorganisation du temps de travail. La lutte féministe et syndicale doit imposer des conditions de travail qui permettent effectivement le partage des tâches.
La posture de l’officialité sur les proches aidants est à dénoncer avec une force particulière. Elle souligne combien la conciliation entre vie professionnelle et vie privée reste une pure déclaration. Ce qui est attribué aux soins envers les enfants et les proches reste ridiculement insuffisant et permet des économies décisives en matière de développement de service public. Tout cela se fait sur le dos des femmes. Nous pensons qu’il faut un seul dispositif qui réponde aux tâches de soins et d’éducation. Il faut augmenter massivement le temps reconnu pour cette pratique et il faut en même temps développer les services publics pertinents sur ce terrain.
Les violences et les pressions, la déconsidération et la disqualification du vécu des femmes sont choses courantes dans le secteur public cantonal ou communal comme dans le secteur subventionné. Tout le monde sait que se faire rendre justice pour une femme, sur ces objets, est une tâche difficile, longue, souvent destructrice. Réclamer ses droits, le droit d’être entendue, le droit à la protection, le droit à la justice, le droit à la réparation, ce sont des choses que le système, hors des discours officiels, dénie aux femmes. C’est une inégalité criante et un assujetissement insupportable. Cette situation doit changer radicalement.
Des dizaines de revendications sont à affirmer et à lutter sur ce terrain. Nous en indiquons deux. En premier, les employeurs publics et les institutions subventionnées doivent s’engager effectivement auprès des femmes victimes de harcèlement, de violence et de disqualification. Cela veut dire très concrètement qu’il faut leur assurer gratuitement une assistance juridique. Cela implique, en deuxième lieu, que des dispositifs de protection, séparant quand c’est nécessaire les femmes menacées des gens qui les menacent (en rappelant que tout ceci concerne, dans la majeure partie des cas, les rapports hiérarchiques) doivent être mis en place. Le mot d’ordre c’est: la violence matérielle et symbolique contre les femmes doit être éradiquée et leur protection assurée. La protection des femmes c’est et sera d’abord l’œuvre des femmes elles-mêmes. Nous savons bien qui, depuis les positions de pouvoir, met en question l’égalité salariale, limite l’envergure et l’application de la loi sur l’égalité et tant d’autres choses. Nous le disons donc sans illusions, mais comme un élément du combat qui est à mener : la protection des femmes est aussi un devoir public auquel il faut contraindre les institutions.
Celles qui dans tant de pays portent aujourd’hui la grève des femmes savent bien et nous instruisent par leur exemple qu’il faut pour se mettre en lutte imaginer d’abord le différent, l’alternative, rompre avec la pensée qui, à chaque instant, nous assigne à l’acceptation de ce qui est, au renoncement à questionner, à imaginer, à revendiquer. Il y a eu en Suisse une grève des femmes et d’autres viendront. Il y a en tout cas, déjà maintenant, une volonté de porter en avant un autre monde pour les femmes et donc un autre monde pour l’égalité et la liberté de toutes et de tous.