Santé critique parapublique – Mars 2011
Edito
Dans le premier numéro de Santé critique parapublique, en été 2010, nous prenions l’engagement de relayer et mettre l’accent sur les problèmes rencontrés par les travailleurs/euses des EMS, des CMS et des hôpitaux régionaux.
Aujourd’hui, les problèmes, inquiétudes et difficultés dénoncés par le personnel du secteur parapublic de la santé concernent principalement l’absence totale de protection lors de dénonciation d’actes illicites, et celle, tout aussi inacceptable, de protection des représentant⋅e⋅s élu⋅e⋅s du personnel et des délégué⋅e⋅s syndicaux/ales.
En effet, aujourd’hui, alors que la Loi sur la santé publique contient des dispositions obligeant le personnel à dénoncer les situations et actes de maltraitance ou de soins dangereux, rien n’est prévu pour assurer la protection des travailleurs/euses qui dénoncent des actes illicites, font part de soupçons concernant de tels actes ou signalent des situations de maltraitance.
Cette absence de protection est totalement inadmissible, et permet à certains employeurs particulièrement néfastes de licencier un⋅e ou des employé⋅e⋅s en représailles d’une dénonciation ou d’un signalement d’une situation d’inadéquation et/ou de maltraitance.
Cette absence de protection est particulièrement nuisible, puisque, par crainte de rétorsion de la part de l’employeur, voire de certains collègues de travail, des travailleurs/euses pourraient renoncer à signaler des actes de maltraitance qui pourtant risquent de mettre en danger la santé et l’intégrité physique des usagers/ères.
L’automne passé, les organisations syndicales ont dénoncé le scandaleux, ignominieux et inacceptable licenciement de la Présidente de la Commission du personnel de l’ALSMAD (association regroupant les CMS lausannois). Cette nouvelle violation du droit à l’exercice de la liberté syndicale souligne l’inadmissible absence de réelles protections contre les licenciements antisyndicaux dans la CCT du secteur sanitaire parapublic vaudois. La décision de licencier sans aucun motif justifié une représentante élue du personnel est un véritable déni de droit et un camouflet pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs qui s’engagent pour défendre les conditions de travail du personnel et/ou acceptent d’être délégué⋅e⋅s syndicaux/ales ou membres élu⋅e⋅s d’une représentation du personnel.
En réponse à ce qu’il faut bien qualifier d’abus de pouvoir et d’injustice crasse lorsqu’un⋅e travailleur/euse dénonçant des maltraitances, un⋅e délégué⋅e syndical⋅e ou un⋅e représentant⋅e du personnel est l’objet de pressions, mesures de rétorsion voire d’un licenciement, les organisations professionnelles et syndicales vont poursuivre le combat pour qu’enfin soient introduites dans la CCT du secteur parapublic de la santé les clauses protégeant de toute rétorsion le personnel signalant des actes illicites ou des situations de maltraitance, et qu’y soit également garanti le droit des salarié.e.s à faire appel aux organisations professionnelles et syndicales et aux délégué⋅e⋅s syndicaux/ales pour défendre leurs droits et que soit réglementée la protection des représentant⋅e⋅s du personnel, notamment concernant le droit à la réintégration au poste de travail lorsque le licenciement a été reconnu comme abusif.
EMS, l’histoire d’une lutte
C’est un établissement d’une vingtaine de lits, avec un peu plus de 20 employé⋅e⋅s. Le directeur, c’est aussi le patron.
Les conditions de travail sont marquées par un turn-over épouvantable. Comme partout, mais plus gravement, il y a un problème structurel de sous-dotation. Et comme si cela ne suffisait pas, il y a de surcroît une infirmière-cheffe épouvantable qui se fait une spécialité de maltraiter de façon systématique un certain nombre de salarié⋅e⋅s.
Pour la bonne bouche, il y a aussi le directeur-patron qui joue systématiquement les gens les uns contre les autres, les divise, entretient et utilise les rumeurs pour mieux exercer une domination arbitraire sur le personnel.
Et pourtant, ce ne sont pas de ces mauvaises conditions de travail qu’est née la résistance mais bien du problème du sens du travail, de son contenu, de ses valeurs.
Une fraction du personnel a dénoncé les mauvais traitements infligés à des résident⋅e⋅s. Ces mauvais traitements ont été particulièrement scandaleux, douloureux, inacceptables. Nous n’avons pas ici l’espace suffisant pour les décrire. Il suffit de dire qu’il y a des témoignages concordants et des photos qui les établissent. Ils sont le fruit des dotations insuffisantes tant de fois dénoncées et d’une gestion faite de complicités et de silences intolérables.
Cette histoire nous dit au fond combien il est nécessaire que les lanceurs d’alerte qui dénoncent des maltraitances et des situations intolérables, tout comme les militant⋅e⋅s syndicaux/ales et les délégué⋅e⋅s soient protégé⋅e⋅s efficacement. Il est urgent que le licenciement de répression soit interdit aux patrons et que la réintégration leur soit imposée en cas de rupture abusive des rapports de travail.
Car l’histoire de cet EMS est au fond exemplaire et emblématique. Ce sont d’abord les soupçons d’une travailleuse de l’animation, puis la révolte d’une infirmière que l’on veut contraindre à couvrir des pratiques inacceptables qui sont à l’origine de ce conflit (par exemple: un pensionnaire avec une escarre de 30 centimètres, le fessier à vif, des personnes contraintes de porter des couches culottes chargées de 2 litres d’urine, des personnes qui se plaignent d’être levées sans précaution).
C’est là qu’intervient un militant syndicaliste. Contacté par les premières résistantes, il pousse à la prise de parole et à la dénonciation. Est alors construit un dossier systématique. Les témoignages sont regroupés et systématisés. Ce qui est décisif dans cette affaire c’est la volonté d’agir, de prendre la parole, de rendre public les problèmes. Paradoxalement, la décision de passer à l’action a d’abord dû résister au sentiment d’urgence et à l’envie de se précipiter pour dire l’intolérable. Mais, pour une construction systématique du dossier de plaintes, il fallait un peu de temps. Pour la crédibilité de ces dénonciations, le travail et l’expérience du militant syndicaliste ont donc été déterminants.
Progressivement, au fur et à mesure qu’un pôle de résistance se créait, qu’une action s’affirmait, d’autres personnes se sont jointes à la résistance. A partir de l’histoire de la souffrance et de la mort d’un résident, du traitement inacceptable qui lui a été infligé, une travailleuse va fournir un témoignage décisif. Elle rejoint le groupe après une réunion publique où la parole est libérée.
A partir de là, le récit des travailleuses et des travailleurs est construit. Il est à la fois possible de saisir les autorités politiques et la commission d’examen des plaintes et, pour nos camarades du SAIP, d’intervenir directement sur l’établissement.
Il reste maintenant deux paliers à franchir. Tout d’abord que toutes les instances concernées entendent les témoignages du personnel et que change la procédure de contrôle en vigueur qui permet à la direction d’un établissement de prévoir, de dissimuler et de s’en tirer. Il reste aussi à imposer la réintégration d’une des travailleuses qui a apporté un des témoignages décisifs. Cette femme, malade, a été licenciée à l’issue du délai de protection. C’est un incontestable licenciement de rétorsion, une mesure de représailles pour avoir oser parler et s’être engagée dans la lutte.
Ces deux éléments sont maintenant au cœur de l’action syndicale. Avec le SAIP et les travailleuses mobilisées, SUD a saisi la commission paritaire de la CCT pour demander que cette affaire soit instruite de manière efficace et dans les meilleurs délais. Le chef du DSAS a également été interpellé autant sur la question de la gestion de l’établissement incriminé que sur les mesures de protection et de garanties pour le personnel qui a dénoncé cette situation intolérable.
Une rencontre dans le cadre de la commission paritaire entre patrons, syndicats et chef du département devrait avoir lieu dans les semaines qui viennent pour traiter ces questions. Mais la confrontation en commission paritaire n’est pas suffisante. Pour continuer la lutte et pour résoudre ce conflit, il y aura de l’action, encore de l’action, toujours de l’action jusqu’à ce que la vérité et la justice s’imposent.
Cet article a été rédigé à partir des notes d’entretien avec AF,
militant syndicaliste et membre du SAIP qui a animé cette mobilisation.
CCT du secteur parapublic de la santé:
Deux victoires des organisations professionnelles et syndicales améliorent les conditions salariales
du personnel des EMS, des soins à domicile et des hôpitaux régionaux
1. Octroi du salaire afférent aux vacances dès le 1.1.2011
Après une année de combats et d’âpres négociations, SUD et les autres organisations professionnelles et syndicales signataires de la CCT ont enfin pu faire aboutir deux de leurs revendications. En effet, dès le 1er janvier 2011, le personnel des EMS, des soins à domicile et des hôpitaux régionaux bénéficie d’une amélioration de sa rémunération, puisque les suppléments de salaire versés pour du travail effectué la nuit, le dimanche, les jours fériés et lors d’un service de piquet sont dorénavant pris en compte dans le calcul du salaire afférent aux vacances. Tous ces suppléments de salaire sont majorés de 10,64 % (pour le personnel ayant 5 semaines de vacances) et 13,04% (pour celui bénéficiant de 6 semaines de vacances).
Ces améliorations salariales représentent une augmentation de la masse salariale du secteur parapublic de la santé de plus de 2,8 millions. Ainsi, les travailleurs/euses effectuant régulièrement du travail la nuit et/ou le dimanche, et/ou les jours fériés et/ou assurant un service de piquet verront les indemnités liées à ces prestations augmenter sensiblement.
2. Amélioration du montant des augmentations annuelles (annuités) pour le personnel de la FHV
Depuis de trop nombreuses années, la Fédération des hôpitaux régionaux (FHV) n’octroie chaque année à son personnel, et durant toute la période de progression salariale, que l’annuité de la classe d’engagement, alors que toutes les autres faîtières du secteur octroient l’annuité correspondant à celle de la classe atteinte.
Cette différence de traitement représente par exemple, pour un⋅e travailleur/euse en classes 17-19, une perte de salaire/carrière de plus de 26’000.- francs, soit une perte d’environ 1’400.- francs en moyenne par année.
Après d’épiques passes d’armes entre la FHV et les organisations syndicales emmenées par SUD, la FHV a accepté de corriger sa pratique d’octroi des annuités. Ainsi, dès le 1er janvier 2012, les collaborateurs/trices des établissements membres de la FHV bénéficieront de l’augmentation annuelle correspondant à la classe atteinte.
Cela signifie que pour une personne colloquée par exemple en classes 9-11 (aide et auxiliaire en soins A), les augmentations annuelles en début de carrière seront celles de la classe 9 (annuité annuelle en 2011: 937.- francs). Elles seront ensuite celles de la classe 10 dès que le salaire annuel aura atteint le minimum de ladite classe 10 (annuité annuelle en 2011: 977.- francs), puis correspondront à celles de la classe 11 dès que le salaire annuel aura atteint le minimum de ladite classe 11 (annuité annuelle en 2011: 1013.- francs).
Votations cantonales du 15 mai 2011 sur la loi sur les prestations
complémentaires cantonales pour les familles et les prestations cantonales de la rente-pont
En mai 2011, les vaudois et vaudoises auront le dernier mot concernant la loi sur les prestations complémentaires en faveur des familles et des chômeurs/euses âgé⋅e⋅s. Ces prestations complémentaires, si elles sont acceptées en votations populaires, éviteront à environ 6000 familles de «working poor» le recours au revenu minimum d’insertion et à 550 personnes proches de la retraite et ayant épuisé leurs droits aux indemnités chômages de venir grossir les rangs des bénéficiaires du revenu minimum.
Le financement de ces prestations sera assuré pour moitié par le canton et les communes et pour l’autre moitié par une cotisation de 0,06% prélevée sur les salaires (0,03% à charge des employeurs et 0,03% à charge des travailleurs/euses).
Les causes de la pauvreté de ces ménages vaudois qui, bien que travaillant, vivent avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté (ou à peine supérieur à ce seuil pour certains de ces ménages), et l’absence de revenu pour les personnes sans emploi proche de la retraite sont évidemment à chercher du côté des misérables salaires versés à ces «working poor» par de nombreux employeurs, et de celui du non-engagement des chômeurs/euses âgé⋅e⋅s par ces mêmes employeurs.
Dès lors, à nos yeux, et à l’instar de ce qui est pratiqué pour les allocations familiales, il serait donc totalement justifié que la totalité du financement de ces prestations soit assurée exclusivement par les patrons. Il est donc paradoxal de constater que le monde économique s’oppose à la modeste contribution mise à sa charge pour ces prestations complémentaires.
Bien que le financement de ces deux réformes sociales ne soit pas idéal (comme déjà mentionné, le coût de ces prestations devrait être totalement à la charge des employeurs), SUD invite les citoyens et citoyennes de ce canton à s’opposer fermement au référendum des milieux patronaux et à plébisciter le OUI lors du vote sur les prestations sociales complémentaires visant à renforcer le revenu des familles modestes qui travaillent et celui des chômeurs en fin de droit proches de la retraite.
Le 15 mai, faisons passer le salaire minimum
Le 15 mai 2011, l’initiative vaudoise pour un salaire minimum sera soumise au vote. Etant donné les bas salaires si nombreux dans le secteur de la santé parapublique, il est à peine nécessaire de recommander le OUI à tous et toutes nos ami⋅e⋅s.
L’action syndicale et la mobilisation ont certes imposé une CCT qui contient un salaire minimum équivalent aux Fr. 4’000.- par mois, sur 12 mois que réclame de son côté l’initiative nationale lancée par l’USS sur ce même objet.
Il faut savoir que même si l’initiative cantonale passe ce sera au Grand Conseil de fixer le montant du salaire minimum. Il n’est donc pas suffisant de gagner dans les urnes le principe de cette revendication évidente. Il va falloir mobiliser dans la rue et sur les lieux de travail pour forcer un parlement, peu favorable aux intérêts des travailleurs/euses, dans sa majorité à décider un montant décent pour ce salaire minimum légal.
Pour nous, la question est claire. Le salaire doit permettre de vivre convenablement à celui/celle qui vend sa force de travail et à sa famille s’il ou si elle en a une. Un salaire qui vous accule à la misère et à l’aide sociale constitue une exploitation intolérable. Il ne peut être le fait que de patrons négriers.
L’aide sociale ne peut pas être là pour compenser l’asservissement au travail et les salaires de misère. Travailler doit permettre impérativement de sortir de la précarité. L’aide sociale publique ne doit pas servir à subventionner des patrons qui pratiquent des salaires de misère et peuvent continuer à la faire parce que les fonds publics prennent en partie en charge les gens qu’ils contraignent à la misère.
Donc, votons OUI au salaire minimum et mobilisons-nous pour imposer au parlement un salaire minimum décent.
Dans le secteur de la santé subventionné, il y a aussi une lutte à mener pour la revalorisation des salaires. Elle ne passe pas par l’urne mais par l’action syndicale. L’objectif c’est d’améliorer immédiatement le salaire minimum et de le porter à Fr. 4000.- par mois sur 13 mois par an, soit un salaire de base de Fr. 52’000.- par an.
SUD va interpeller la partie patronale pour que cette revendication soit immédiatement prise en compte et traitée dans la gestion de la CCT. Toutefois cette demande si juste et légitime ne pourra aboutir que par l’effort commun de tous et toutes les travailleurs/euses concerné.e.s. Nos Fr. 4’000 .- par mois sur 13 mois l’an, il faudra les lutter.