Luttes pour nos retraites, où en sommes-nous?
Les choses vont très vite. Entre notre dernière communication, publiée sur notre site le 14 mars, et aujourd’hui des changements très importants sont intervenus.
Liquidation d’une négociation
Lors de la dernière séance de négociation sur le projet de loi pour la CPEV, la délégation du Conseil d’Etat a accéléré l’examen du document avec une dureté particulière, liquidant de fait la négociation sans qu’elle ait pu être travaillée et accomplie. A toutes les interventions de SUD sur les nombreux et importants problèmes légaux que posent le projet de loi et la démarche en général, le président du Conseil d’Etat a répondu que notre syndicat n’avait qu’à agir sur le terrain juridique. Ce refus de négociation est à souligner. Il traduit la brutalité de l’employeur dans tout le processus, sa volonté d’imposer ses décisions, par ailleurs largement maquillées et occultées autant dans leur matière que dans leur portée.
Comme nous l’avons dit, la Convention entre le Conseil d’Etat et la seule FSF était un dispositif d’intentions, vide, sans effectivité réelle tant qu’il n’était pas traduit dans le projet de loi d’une part et dans le règlement de la Caisse de pensions de l’autre.
Le Conseil d’Etat avait l’obligation légale de négocier ce projet de loi, c’est-à-dire de reprendre dans les faits la négociation d’une partie des dispositions de la Convention. Or, dans les faits, il est passé par la force ce qui, soit dit entre nous, ne nous étonne guère.
Cette démarche arrogante doit être combattue par la mobilisation mais elle doit aussi être attaquée sur le terrain juridique.
Grand Conseil versus Conseil d’administration, torsion et rétorsion
Où en sommes-nous maintenant? Il faut rappeler que le projet de loi et le décret financier ne règlent que les questions de financement. En somme ils permettent de remettre au Conseil d’administration de la Caisse une somme pour pouvoir payer les rentes et faire fonctionner le régime de retraite. Le montant des rentes, l’organisation du régime de retraite, les mesures transitoires, les conditions particulières, tout cela relève désormais de décisions du Conseil d’administration dans le cadre notamment du règlement ad hoc que ce Conseil devra adopter (ce Conseil et non le Conseil d’Etat et/ou le Grand Conseil).
Nous avons donc deux processus de décision bien distincts. Le projet de loi va maintenant passer au Grand Conseil et y suivre le cheminement habituel: désignations d’une commission ad hoc pour la loi, séances de travail de cette commission, rapport de majorité et éventuellement de minorité, débats parlementaires et adoption ou refus du texte de loi.
Selon les premières estimations que nous avons du milieu parlementaire, le travail devrait être fait assez rapidement, à l’issue des vacances de Pâques. En principe, le calendrier prévu par le Conseil d’Etat pour une adoption en juin devrait être tenu.
Comme nous l’avions prédit, le projet Conseil d’Etat-seule FSF est jugé trop généreux pour les salarié⋅e⋅s de l’Etat par une partie de la droite parlementaire dont l’UDC a pris la tête. Ce parti exercera une pression à la dégradation du très mauvais accord Conseil d’Etat-seule FSF. Il opérera dans la commission et dans le débat parlementaire et pourrait bien recourir au référendum. Nous verrons si ce référendum vise le décret, la loi ou les deux. Cela aura une importance sur les rythmes de la confrontation syndicale et politique.
Reprenons maintenant la question de la Convention. Les dispositions de ce document relèvent maintenant d’une part du projet de loi sur la CPEV et d’autre part du règlement de la Caisse de pensions dont les travaux n’ont pas commencé au sein du Conseil d’administration de la Caisse.
Formellement, ce processus double est ouvert. Il est parfaitement possible de faire pression sur le Parlement et sur le Conseil d’administration pour faire entendre et avancer autant que faire se peut nos revendications. «Autant que faire se peut», soit autant que le permettra le rapport de force que nous construirons par la lutte, notre action sur le terrain juridique et notre travail vers les milieux parlementaires et en direction du Conseil d’administration de la CPEV. Dans ce trend, qui durera jusqu’en juin, voire jusqu’à l’automne, notamment en cas de référendum, le mouvement de défense des salarié⋅e⋅s n’est ni borné ni conditionné par le texte de la Convention. Le problème n’est donc pas un problème de renégociation de la Convention mais d’affirmation de nos revendications dans l’espace public, dans le parlement et dans les instances de la Caisse de pensions. Nos revendications sont soutenues par notre action, nos luttes, notre capacité à imposer le fait que nous soyons entendu⋅e⋅s et que celles et ceux qui ont du pouvoir de décision intègrent ce que nous avançons.
Un problème de financement
Si le Grand Conseil va essentiellement régler, à travers la loi, la question du financement de la Caisse, le Conseil d’administration va régler lui l’organisation du régime de retraite. Les deux domaines posent de très sérieux problèmes. Nous reviendrons sur certains points dans notre document de réponse à la dernière prise de position de la FSF, en date du 15 mars. Bornons-nous maintenant à donner une synthèse des éléments les plus problématiques dans la démarche du Conseil d’Etat-seule FSF. La Convention contient un certain nombre de mesures transitoires et surtout de mesures particulières, traitant de manière différenciées un certain nombre de catégories du personnel. Les mesures particulières, notamment, doivent légalement faire l’objet d’un financement particulier qui ne saurait relever du «pot commun» de la Caisse. Il y a donc là un problème de capitalisation qui affaiblit structurellement la Caisse car l’argent pour financer les mesures particulières fait problème à la fois dans son existence matérielle et dans sa légalité. Ce problème concerne aussi naturellement le Conseil d’administration dans ses tâches spécifiques.
Le Conseil d’administration nous intrigue
La Caisse souffre aussi d’une situation plus défavorable qu’elle ne devrait être du fait que le Conseil d’Etat l’a précipitée dans un endettement lié à un non-financement délibéré d’un certain nombre de ses prestations. Cette dette du Conseil d’Etat envers la Caisse se monte à CHF 1,166 milliard (soit CHF 1,978 milliard en prenant en compte les intérêts non acquis).
Le règlement de cette dette est absolument nécessaire pour pouvoir couvrir effectivement les dépenses liées aux dispositions particulières, notamment la retraite différenciée à 60 ans. Outre la mobilisation sur le terrain, le travail en direction du parlement et du Conseil d’administration, SUD va agir sur le terrain juridique pour ces objets. Nous saisirons également l’Autorité de surveillance LPP et des fondations de Suisse occidentale (ASSO).
Défendre la caisse
Si nous passons maintenant au Conseil d’administration, de très nombreux problèmes se posent également. A notre sens, le CA qui doit travailler en dialogue avec l’assemblée des délégué⋅e⋅s des assuré⋅e⋅s et les représentant⋅e⋅s de l’employeur, ne peut se saisir et appliquer, le petit doigt sur la couture du pantalon, une Convention signée par la seule FSF et comprenant, pour une part essentielle, des dispositions de promotion d’intérêts catégoriels. Le CA ne peut en aucun cas éluder sa responsabilité de travail, d’élaboration et de production du règlement. Nous le disons et le répétons, la Convention Conseil d’Etat-seule FSF ne peut pas être adoptée par le CA comme «noyau dur» du règlement qu’il doit produire. Nous livrerons bataille durement dans toutes les instances de la Caisse de pensions pour que les choses ne se passent pas ainsi, pour qu’elles se passent correctement. Nous exigerons également de ces instances que toutes les démarches possibles soient faites à l’égard du Conseil d’Etat, avec information au Grand Conseil pour souligner le rôle de l’employeur public dans la situation financière de la Caisse, en liaison avec la dette de près de 2 milliards non honorée du Conseil d’Etat.
Lutter aussi sur le terrain juridique
S’il le faut, nous n’hésiterons pas à entreprendre l’action civile et pénale éventuellement nécessaire contre le Conseil d’administration de la Caisse et contre chacun de ses membres individuellement dont la responsabilité serait établie. Enfin, relève également de la responsabilité de la Caisse la fameuse question de l’obligation de rachat, 100% à charge des salarié.e.s, pour l’augmentation en cas de changement de classe. En termes purement légaux, sans parler donc de nos revendications, ce rachat est une cotisation qui doit être au minimum règie de manière paritaire 50% employé.e 50% employeur (nous étudions cette question du point de vue juridique) selon le régime de répartitions des cotisations en vigueur depuis le 1er janvier 2014. Nous agirons là aussi sur le terrain syndical et revendicatif pour obtenir dans tous les départements et pour toutes et tous celles/ceux qui bénéficie d’un changement de classe des mesures compensatoires pour annuler l’effet de ce rachat inique. Mais, parallèlement nous mènerons toutes les actions juridiques pertinentes pour attaquer ce rachat. Nous nous retournerons contre l’Etat en tant qu’employeur qui n’accomplit pas ses devoirs paritaires en matière de cotisation et contre le Conseil d’administration s’il prétendait couvrir par les dispositions de son règlement une telle manière de faire. Toujours dans l’ordre des coupes et des pertes, il faut souligner l’attaque très dure contre l’indexation que nous connaîtrons vite, trop vite. Cette attaque remet d’ailleurs en cause le principe de l’unité de matière dans le décret. Le CE a inscrit dans ce texte de financement de la caisse, comme une des sources de revenu pour celle-ci, cette mesure de politique salariale qui n’a rien à faire dans le dit décret mais qui ampute encore notre pouvoir d’achat. Nous étudions la possibilité d’attaquer juridiquement cette manière de faire.
Et qui surveille l’autorité de surveillance?
Par ailleurs, sur tous les problèmes liés à la question des retraites et notamment sur les objets examinés dans ce document, nous interpellerons l’ASSO, l’autorité de surveillance en question. Il s’agira de garantir que les dispositions LPP, l’ensemble des éléments qui réglementent l’organisation de la Caisse et le plan financier que le gouvernement doit présenter à l’autorité de surveillance correspondent au moins à la lettre et à l’esprit d’une construction légale dont nous savons bien qu’elle nous est défavorable mais que l’Etat employeur prétend tordre à sa fantaisie et selon son plan.
Si le Conseil d’administration ne prend pas en charge ses responsabilités, comme nous le lui demandons, s’il ne joue pas pleinement le rôle que la loi lui confère, si les administrateurs, une fois de plus, ne font pas preuve d’indépendance, outre d’éventuelles poursuites individuelles civiles et pénales.
La situation chaotique que l’employeur public construit pourrait aboutir à ce que l’ASSO mette sous tutelle la CPEV pour que les intérêts des assurés soient protégés et non ceux de l’Etat employeur.