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Les clés d’une revendication
Nous nous battons depuis des mois pour forcer le Conseil d’Etat à négocier avec les organisations syndicales FSF, SSP et SUD. Le problème de l’indexation est connu. On en a parlé dans notre SUD-Info de décembre et dans d’autres documents que vous trouverez sur notre site.
Rappelons l’importance du nombre de salarié·e·s concerné·e·s, plus de 70’000 personnes, dans la fonction publique étatique, dans le parapublic et dans les institutions autonomes de l’Etat. L’indexation est bien un enjeu décisif.
Car le Conseil d’Etat, employeur, dirigeant et subventionneur n’a pas l’intention de s’arrêter à la misérable indexation qu’il nous donne. Il veut aller plus loin. Il veut s’attaquer au système salarial, désagréger le dispositif des annuités, bloquer toutes les revendications de reclassification. Pour le secteur parapublic, le gouvernement veut arrêter tout le mouvement d’égalisation pour les salaires (n’oublions pas que quand nous parlons de nos salaires, il faut penser en salaire-carrière) entre secteur subventionné et fonction publique étatique. Donc conserver les différences qui font que, par exemple, un·e travailleur·euse social·e diplômé·e dans une institution éducative subventionnée gagne 8’200 francs de moins par an qu’un·e employé·e de l’Etat de Vaud. Pour une infirmière, la différence se chiffre à 3’400 francs par an.
Délocaliser sur place
Le secteur subventionné est un véritable dispositif de « délocalisation sur place » qui permet à l’Etat de Vaud, subventionneur et directeur, de baisser les salaires et de précariser les conditions de travail. Et c’est cette situation que le Conseil d’Etat veut à tout prix conserver dans le parapublic.
En général, les sommes assignées à l’indexation, dans tous les secteurs, sont dérisoirement insuffisantes. Quand le gouvernement cantonal
prétend avoir indexé à 2,2% les plus basses classes de la fonction publique, soit de 1 à 10, il manipule la vérité et les chiffres. Le 1,4% général c’est moins que la moitié du renchérissement selon l’IPC (indice des prix à la consommation qui se monte à 3%). Le 0,8% de prime est pour la seule année 2023. Les charges sociales et la cotisation employeur à la caisse de pension ne sont pas payées. Le renchérissement réel total est aux environs de 5% comme l’établit l’Union syndicale suisse (USS). Une indexation au-dessous de ça nous appauvrit. En dessous de 5%, nos salaires perdent en pouvoir d’achat. Les augmentations dans l’économie privée, dans le secteur subventionné ou dans le secteur public ne permettent pas de compenser l’inflation. Ce qu’on nous présente comme des augmentations de salaires sont en fait des baisses de rémunération. Rappelons quelques chiffres. La moyenne des montées de salaire dans le dispositif des CCT est de 2,5%. La montée moyenne des rémunérations dans les fonctions publiques cantonales est de 2%. Le personnel de la Confédération a eu 2,5%. L’augmentation des prix selon le seul IPC est déjà de 3%. Les salaires perdent.
Faire bouger les lignes de force
L’USS avance depuis la fin de l’année 2022 et le début de 2023 des positions nouvelles. Elle revendique désormais non seulement des augmentations salariales réelles mais aussi une compensation automatique de l’augmentation du coût de la vie. A ces revendications s’ajoute naturellement celle du salaire minimum, au moins de 4’000 francs x 13.
Cette orientation et la volonté affichée de la défendre par la mobilisation peuvent ouvrir une situation nouvelle. Car le monde du travail n’est pas résigné. Il n’accepte pas que le commandement de l’employeur et ses décisions soient irrévocables, incontestables. Au-delà des accords conventionnels, des décisions des pouvoirs publics, des subventionnements, la protestation et la contestation demeurent. Les grandes entités syndicales refusent, formellement au moins, de plier. Le désaccord entre salariat et employeurs persiste et avec lui la lutte ou du moins sa promesse.
Les silences de la CPEV
La situation vaudoise est exemplaire. Nous contribuons par notre combat, sans doute modestement, mais effectivement, à ouvrir cette situation nouvelle. Et pourtant, ce que nous demandons est bien mesuré.
Nous ne sommes pas isolés, notre lutte ouvre le pas à d’autres confrontations. Notre refus d’accepter comme irréversible une décision de l’employeur constitue quelque chose d’essentiel. Cela signifie que nous, les salarié·e·s, avons notre mot à dire et sommes prêt·e·s à défendre nos acquis. Notre mouvement se déploie dans ce contexte nouveau où d’importants fractions du salariat suisse partagent notre vision, et notre sentiment.
La lutte pour le salaire n’est pas isolée d’autres mobilisations. Il faut bien évaluer cet élément-là. En même temps que le monde du travail a lutté et lutte pour maintenir et améliorer ses salaires, nous vivons une offensive d’envergure sur le terrain, notamment, des assurances sociales et de la retraite, sans parler de l’égalité salariale et sociale entre femmes et hommes. Or, dans le canton de Vaud, les menaces sur les caisses de pension sont contenues mais profondes. La majorité du conseil d’administration de la Caisse de pensions de l’Etat de Vaud (CPEV) ne renonce pas à péjorer nos conditions de retraite, à allonger notre vie au travail, à dégrader les rentes et les pensions.
Comme d’habitude, ils·elles font des hauts cris devant les mouvements boursiers et les conjonctures de l’économie financière qu’ils·elles promeuvent.
Pour l’heure, la CPEV se tait sur la question de l’indexation des rentes face à la hausse du coût de la vie ou au moins sur l’octroi d’une prime forfaitaire. La CPEV, c’est clair, ne veut rien donner et se prépare à nous attaquer à nouveau avec ses plans féroces contre les salarié·e·s et les rentiers·ères.
Janus, Harpagon et Crésus
Assis sur son tas d’or, le Conseil d’Etat refuse de nous voir, de négocier. Bien sûr, c’est le pouvoir d’achat de nos salaires qui est en question, mais aussi notre dignité, le refus du mépris, de l’arrogance, de la mise au silence, du discours manipulé contre le service public et les personnes qui le font vivre. Contre nous. Et nous ne parlons pas que de la fonction publique étatique mais bien de toutes les missions de service public.
Ce Conseil d’Etat est arrogant et paraît fort. Sa base parlementaire, les partis qui le soutiennent proclament des choses comme « l’augmentation excessive des salaires de la fonction publique est un affront aux travailleurs·euses du secteur privé ». Que ces partis, si présents dans la direction des organisations patronales, invoquent les travailleurs·euses du secteur privé ne manque pas d’air. Les gens qui voulaient mettre les maçons à 50h par semaine sont les mêmes que ceux qui veulent baisser nos salaires, frapper le service public et dégrader nos conditions de travail.
Le Conseil d’Etat est dur, arrogant. Il paraît fort, inébranlable. Mais ce n’est pas son arrogance et son refus du dialogue qui sont la mesure de toute chose. C’est notre résistance. Et dans notre résistance il y a une volonté démocratique générale qui se manifeste aussi.
Apprenti·e·s et stagiaires, l’exemple
Le Conseil d’Etat prétendait passer comme chat sur braise sur l’indexation des salaires des apprenti·e·s et des stagiaires du secteur public. Les ministres qui font de l’apprentissage un élément de communication permanente, ont tenté de priver de l’indexation officielle leurs propres apprenti·e·s. Quand leur manœuvre a été dévoilée, le gouvernement a été obligé de reculer et de concéder. Reste maintenant à obtenir l’indexation officielle pour les apprenti·e·s et les stagiaires du secteur subventionné.
Il est possible de faire reculer ce Conseil d’Etat. Toute la force du mouvement, son ancrage dans la volonté de démocratie et de justice bien présente dans la société, peut déséquilibrer l’arrogance et le mépris de l’employeur. Nous ne sommes pas isolés. Il faut que notre lutte tienne bon et entre dans un processus de liaison générale avec les résistances contre les politiques qui attaquent le service public, les acquis sociaux, les salaires mais aussi les droits fondamentaux sur lesquels reposent notamment la liberté syndicale.
Car nous savons bien que le contrôle, la contrainte, la sanction constituent le pain quotidien de nos conditions de travail, partout, dans le privé, dans le subventionné comme dans le public. Et ce terrain-là aussi est décisif.