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Prise de position
Aux membres de SUD-Education
Aux enseignant-e-s
Au DFJC
1. Principe : «l’enseignement» à distance et l’enseignement régulier «présentiel» sont différents. En effet, les processus d’enseignement (planification, méthodes, ressources pédagogiques, séquences d’enseignement, suivi des élèves, évaluations) sont radicalement modifiés. Les processus d’apprentissage le sont aussi. De plus, «l’enseignement» à distance requiert de l’apprenant une grande autonomie et nécessite une personne ressource pour l’outil technique et des facilitateurs (parents) entre l’enseignant et les élèves La portée et les résultats des deux ne peuvent être comparés. Ils sont essentiellement distincts et on ne peut prétendre atteindre les mêmes objectifs. «L’enseignement» à distance, pour tout dire, n’est d’ailleurs pas de l’enseignement. Il place les enseignant.e.s et les élèves dans une situation de communication du type «réunion d’affaires». Il faudra lui trouver un autre nom.
2. Quoi qu’il en soit, «l’enseignement» à distance, qui repose sur le télétravail, doit être encadré. A commencer par les horaires. Des normes ont été édictées pour l’enseignement obligatoire. Elles ne doivent pas être dépassées. Il en faut pour le post-obligatoire aussi, et même pour le tertiaire. Il n’est pas imaginable de transposer l’horaire usuel à domicile. C’est vrai pour les élèves, étudiant-e-s et apprenti-e-s, mais c’est aussi vrai pour les enseignant-e-s qui doivent assumer en plus du travail la charge de famille, l’accompagnement de proches, sans parler de celles et ceux qui sont à risque et malades. Le temps de travail, y compris celui de disponibilité avec les moyens de communication, doit être diminué par rapport au temps usuel de travail dans une école.
3. L’entier ou presque du télétravail et de «l’enseignement» à distance repose sur les moyens techniques dont disposent les enseignant-e-s d’un côté, les jeunes et les familles de l’autre. Les quelques prêts de matériel aux élèves n’y changent pas grand-chose. On ne prête pas d’abonnement haut-débit. «L’enseignement» à distance repose sur une inégalité très forte de répartition de l’accès aux ressources matérielles et génère donc des inégalités encore plus importantes dans l’accès aux savoirs. Il n’est pas question de faire l’impasse sur cette question. De plus, il faut également prendre en considération le sort des élèves à besoins particuliers pour qui la distance rajoute des difficultés.
4. Outre l’équipement personnel, et au-delà des infrastructures de télécommunications, encore vaguement sous contrôle public – jusqu’à quand -, le déploiement de «l’enseignement» à distance démontre l’extrême dépendance aux géants du domaine : WhatsApp-Facebook a regagné tout le terrain perdu en quelques jours, sans compter le lien révélé entre Facebook et Zoom ; Google est là, partout ; Apple est la marque incontournable pour les machines (en tout cas dans l’obligatoire) ; même Amazon, qu’on n’attendait pas dans l’enseignement, se cacherait derrière TeamUp (l’agenda électronique qui permet aux enseignant-e-s de l’obligatoire de communiquer les activités aux élèves) ; quant à Microsoft, son heure est proche, avec la généralisation d’Office 365 dans les semaines à venir. Cela conduit à une avalanche désordonnée de nouveautés que nombre d’enseignant-e-s ne peuvent essayer d’intégrer sans une surcharge considérable de travail et de tension, sans compter, par la force des choses, l’absence totale de formation. De ce point de vue, le débarquement précipité d’Office 365 dans l’enseignement obligatoire se fait dans des conditions catastrophiques.
5. Pourtant, appelé-e-s, poussé-e-s par l’appel de la Cheffe promettant le 13 mars un «enseignement» à distance pour le lundi 16 mars, des collègues, toutes et tous honnêtes et investi-e-s, ont déployé des efforts considérables pour inventer des solutions pour être prêt-e-s alors que le DFJC ne fournissait à peu près rien. (D’autres ont été prudent-e-s et ont attendu, mais ne polémiquons pas.) Reste que celles et ceux qui ont développé d’autres solutions n’ont pas forcément produit quelque chose de pire ou de moins sécurisé que ce que les GAFAM (Google/Amazon/Facebook/Apple/Microsoft) et leurs alias nous livrent. Aussi demandons-nous formellement que ce qui a été créé et qui fonctionne à satisfaction dans un établissement ne soit pas simplement effacé. Par ailleurs, les enseignant-e-s qui ont utilisé et développé, seul-e ou par équipe, des solutions de leur côté, parce qu’ils et elles étaient confronté-e-s à l’exigence ferme de l’enseignement à distance dès le lundi matin 16 mars en l’absence d’outils, doivent être intégralement déchargé-e-s de la responsabilité de l’utilisation des solutions trouvées en l’absence de celles fournies par le Département qui doit assumer ses responsabilités juridiques. Tout-e enseignant-e qui ne se sentirait pas sûr-e de l’outil employé jusqu’ici doit pouvoir cesser de l’utiliser. Quant à la mise en œuvre des produits fournis par le Département, elle doit se faire avec un temps d’adaptation et des éléments de formation (à distance bien sûr) sérieux et solides.
6. L’accélération stupéfiante donnée au numérique à la faveur du confinement forcé ne doit pas empêcher un bilan serein une fois la crise passée. Nous exigeons des Assises sur le développement du numérique et de «l’enseignement» à distance dès que les choses seront revenues à une certaine normalité.
7. Le télétravail et «l’enseignement» à distance donnent à l’employeur des moyens extraordinaires de contrôle du travail à distance (temps de connexion, volume de données transmises, voire ces données elles-mêmes, etc.). Ce potentiel de surveillance doit être très sérieusement délimité.
8. «L’enseignement» à distance n’étant pas véritablement de l’enseignement, et les inégalités qu’il génère se faisant jour, il ne saurait être question que les examens de fin d’année se déroulent comme d’habitude. Soyons très clairs: dans l’hypothèse, la plus favorable, où les classes rouvrent le 1er mai, le temps restant peut être mis à disposition pour des révisions et des examens redimensionnés pourraient avoir lieu, par exemple sous la forme d’oraux uniquement et sans la matière nouvelle étudiée au-delà du 13 mars. Cela étant, la question de l’enseignement professionnel est réservée vu qu’il ne resterait, selon le type d’apprentissage (dual) qu’entre deux et trois semaines de cours avant les examens théoriques.
Par contre, si les écoles demeurent fermées après le 1er mai, maintenir des examens certificatifs n’aurait aucun sens et aucune légitimité. Dans ce cas, il faudra les supprimer. En conséquence, afin de ne pas pénaliser les élèves, il n’y a aura pas d’autre choix que de délivrer les certificats sur la base des résultats acquis avant la fermeture. En clair, tous les élèves qui remplissaient les conditions de promotion et de certification au 13 mars 2020, doivent être promu-e-s et obtenir le certificat ou diplôme qui aurait dû leur être délivré en juin. Quant à celles-ceux qui ne remplissaient pas les conditions de promotion ou d’obtention des titres visés, il faudra trouver un moyen de ne pas les prétériter. Comme chacun-e le sait, l’effort, que ce soit dans le travail ou un autre domaine, est fourni en vue d’un objectif clair dont le terme est connu. Sans cela, une marge de tolérance s’impose et ne saurait être réduite à celle qui existe d’ordinaire (qui est de l’ordre du demi-point, rarement davantage).
Rappel: organisation du syndicat
Les bureaux du syndicat sont fermés jusqu’à nouvel avis. Les organisations (AVMG, SVMS, SVMEP) sont joignables par mail (avmg[at]avmg.ch, info[at]svmep.ch, info[at]svms.ch).
Prenons soin les un-e-s des autres.
Courage et salutations syndicales.
SUD-Education