Le lundi 8 décembre 2014, la Cheffe du DFJC, Mme Anne-Catherine Lyon a ouvert les négociations sur les conditions de statut et de salaire du personnel d’enseignement et de recherche (PER). A cette occasion, le projet de barème salarial du département a été présenté. Des éléments relatifs à la bascule et au nouveau système mis en place ont été discutés. Les décisions sur ces objets ne sont pas encore abouties. Les négociations effectives débuteront donc au mois de janvier 2015.
Dans notre précédent bulletin, nous avions donné une première analyse du processus de transformation des HES, notamment par rapport à la nouvelle loi vaudoise (LHEV). Cette publication est disponible sur notre site (www.sud-vd.ch). Rappelons-en les points essentiels:
• adaptation des HES aux politiques européennes et mise en concurrence généralisée des établissements supérieurs;
• précarisation, flexibilisation, hiérarchisation et atomisation des salarié⋅e⋅s;
• consolidation de l’école-entreprise, avec des directions dotées d’un fort pouvoir de commandement et de gouvernement, avec un management qui exige conformité, soumission et mobilisation permanente;
• “déprotection”, dégradation de la stabilité, attaques contre la professionnalité, mise sous contrôle de la coopération libre et de l’autonomie dans le travail, soumission de l’activité à des impératifs utilitaristes et aux demandes de l’économie privée.
Le processus de négociation sur les PER s’ouvre. Il suit celui des assistant⋅e⋅s. Il sera décisif pour les conditions de travail, de statut et de salaire pour les prochaines années. De nombreux problèmes se posent. Nous en examinerons quelques-uns plus loin. Il y a des risques d’importantes pertes salariales pour beaucoup de monde. Il faut comprendre et analyser ce nouveau système pour l’améliorer, voire pour le changer. Il faudra revendiquer et se mobiliser. Les dégradations qui menacent le personnel des HES sont importantes.
Du temps pour négocier et se mobiliser
Contrairement à ce qu’avancent certaines directions, la nouvelle loi impose que la mise en place des modifications liées au statut du personnel se fasse dans un délai de trois ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 1er janvier 2014. De plus, elle laisse un délai de sept ans pour permettre au personnel actuel d’acquérir les certifications nouvelles demandées dans les différents postes. Nous avons donc le temps. Si la Cheffe de département tend à précipiter les négociations, c’est pour obtenir le cadre le plus favorable pour les employeurs concernés, publics comme privés. Nous devons nous opposer à cette marche forcée. Le personnel doit avoir le temps de s’informer des propositions, de l’implication des mesures envisagées, pour pouvoir y répondre.
Nous savons bien que nous partons d’un rapport de force modeste. Mais nous allons pousser vers une mobilisation de longue haleine qui permette de négocier dans les meilleures conditions maintenant, et de continuer plus avant le mouvement revendicatif pour conquérir des positions plus favorables.
La nouvelle typologie des PER avec barème
Professeur-e ordinaire: Classe HC 2 – CHF 139’894 – 171’380
Professeur⋅e associé⋅e: Classes 30-32 + 3 % – CHF 93’469 – 163’546
Maître⋅sse d’enseignement
Maître⋅sse d’enseignement A: Classes 21-24 – CHF 74’014 – 117’065
Maître⋅sse d’enseignement B: Classes 24-28 – CHF 80’452 – 136’320
Maître⋅sse d’enseignement C: Classses 28-31 – CHF 88’849 – 152’837
Adjoint-e scientifique ou artistique
Identique avec maître-sse d’enseignement
Trois sous-statuts également.
(hors négos) Assistant-e sans projet de formation – bachelor ou master
(hors négos) Assistant-e avec projet de formation – bachelor ou master
(hors négos) Personnel sur fonds externes
Les propositions du département
Voici les éléments que nous avons sur le nouveau système. Il y a, d’abord, les nouvelles fonctions définies par la loi (LHEV), avec de très sommaires “profils de poste”. Ces profils sont liés à des exigences de certification et d’expérience professionnelle.
Mais attention! Les employeurs imposent des diplômes et des expériences, mais remplir ces conditions de base ne donne aucunement droit à accéder à une fonction déterminée.
En d’autres mots, une fonction peut exiger un bachelor, mais on peut parfaitement engager un doctorat pour la remplir. Les directions vont donc chercher à avoir les niveaux de diplôme les plus haut en payant les niveaux de certification les plus bas. Il faut ajouter à cela que les établissements n’auront des financements que pour des quotas de postes en nombre déterminé. La grande illusion d’optique du système est de tenter de dissimuler cette création d’un marché du travail où la logique du poste l’emporte sur le droit qu’ouvre la certification. Donc, les salarié⋅e⋅s vont être brutalement mis⋅es en concurrence pour faire valoir leur diplôme et pour occuper les emplois aux conditions les moins défavorables possibles sur un marché du travail restreint à un seul établissement. Les conditions-cadres ne protègent aucunement, puisque ce qui est déterminant c’est la dotation de poste de chaque école. Les directions engageront donc pratiquement comme elles voudront.
Deuxièmement, nous avons les éléments relatifs à l’évaluation des professeur⋅e⋅s définis dans le règlement (RLHEV). Nous y revenons plus loin dans ce bulletin. Enfin, nous avons la proposition initiale de barème salarial, reproduite ci-dessus.
Le département ne communique rien sur les critères d’évaluation et d’engagement. Rien non plus sur les possibilités de progression de carrière ou sur les modalités de la bascule. Le Département et les directions veulent négocier un cadre très lâche de droits et de critères généraux, laissant ainsi un énorme champ libre aux directions pour l’individualisation du statut et du salaire de chacun⋅e. L’essentiel demeure donc ainsi dissimulé. Seuls les employeurs contrôlent le système. Ce n’est pas acceptable, nous le combattrons.
Des indices évidents confirment notre position. Ainsi les différentes écoles ont déjà produit des projections sur la bascule, en attribuant des fonctions à l’ensemble de leur personnel. Certaines écoles, comme l’HESAV, ont même essayé de mettre en place la bascule selon ses propres critères avant même que les négociations générales ne s’ouvrent.
1. Les écoles doivent produire les projections qu’elles ont faites. Le personnel a le droit d’être informé et à pouvoir se prononcer.
Nous rappelons que dans l’enseignement vaudois, chaque HES publique dispose dorénavant de la personnalité morale. Tel est le cas également des HES privées subventionnées. Les droits et acquis de chaque salarié-e ne seront garantis qu’au sein de l’établissement qui les emploient. S’il y a passage d’une école à l’autre, d’une HES à l’Université, s’ouvre une situation de “déprotection”, de remise à plat, qui permettra une dégradation des conditions de salaire et de statut.
2. Nous revendiquons un cadre général obligatoire pour l’ensemble des HES, publiques comme privées, comprenant tous les éléments du système et de la bascule.
Un système cloisonné, outil idéal de management pour le commandement et l’individualisation
Le nouveau système offre aux directions de chaque école, devenues entrepreneuses de leur marché du travail, un plein pouvoir sur la gestion des salarié⋅e⋅s. Les gens sont systématiquement mis⋅es en concurrence. Il n’y aura qu’un nombre extrêmement réduit de professeur⋅e⋅s ordinaires et associé⋅e⋅s, véritables professeur-entrepreneurs/euses. Un effectif également réduit d’adjoint⋅e⋅s scientifiques ou artistiques. A la base, pour le gros des effectifs, nous aurons des maître⋅sse⋅s d’enseignement A, B et C, des assistant⋅e⋅s sans projet de formation et des salarié⋅e⋅s sur fonds externes. Ce sont des fonctions et des situations à forte potentialité précaire.
En fait, c’est un puissant dispositif qui vise à la fois à intensifier le travail et à le rémunérer le moins possible. Il s’agit de mettre en concurrence, de briser l’autonomie des salarié⋅e⋅s et leur force professionnelle, donc de renforcer le pouvoir de commandent des directions.
A travers tout ce système, on cherche aussi à obtenir une soumission accrue du travail de recherche, avec à la clé la recherche de fonds auprès du FNS ainsi qu’auprès de l’économie privé. Un des critères prééminents d’évaluation des professeur⋅e⋅s pour l’engagement et le renouvellement des contrats sera en toute logique la capacité à capter des fonds pour l’école et ce, d’autant plus, que les (ré-)engagements seront décidés par la direction et non par les pairs.
Ce système promeut la précarité, l’insécurité, la “déprotection” des travailleurs/euses.
De nombreux postes précaires
La multiplication de statuts très précarisés, sans perspective de carrière et avec une durée d’emploi limitée, est au coeur de la stratégie mise en place. C’est le sort fait aux assistant-e-s sans projet de formation et aux sous-statuts très flexibles, comme le personnel engagé sur des fonds externes. Ces statuts sont hors de la présente négociation et pourtant ils demeurent essentiels.
Les personnes sur fonds externes sont littéralement dépossédées de tout droit sous prétexte que le financement ne vient pas immédiatement de l’école. Or, la part du financement externe va en s’accroissant.
3. Nous demandons qu’une négociation spécifique pour les salarié-e-s sur fonds externes s’ouvre pour définir un cadre de droits. Nous exigeons l’égalité de traitement.
Un nouveau système très hiérarchisé et précarisant
Le nouveau système des fonctions (voir encadré) induit une très forte différenciation des statuts. Il met en place une très forte hiérarchie. Dans les faits, il y a 10 statuts et sous-statuts différents. S’y ajoutent les personnes engagées sur fonds externes, terriblement précaires. L’objectif est de construire une hiérarchie analogue à celle de l’université. Un⋅e professeur-chef⋅fe, responsable d’un “pôle”, d’un “réseau”, d’un “laboratoire”, sera poussé⋅e à devenir l’entrepreneur/euse à la tête de ces mini-entreprises. C’est l’extension d’un système qui repose sur le croisement de la précarité néolibérale avec des rapports «féodaux» et clientélaires classiques dans l’université.
La création des nouveaux postes de maître⋅sse d’enseignement et d’adjoint⋅e scientifique consacre la séparation entre les activités d’enseignement et de recherche. C’est une parcellisation des activités et des savoirs qu’il faut combattre. C’est une attaque contre la construction intellectuelle. Elle met en cause la structure des savoirs. Elle dégrade la qualification professionnelle. Elle affaiblit la position des travailleurs/euses enseignant⋅e⋅s et chercheurs/euses. Nous refusons cette parcellisation qui frappe le métier au coeur.
Nous affrontons un système figé et froid. Il n’y a aucun parcours ouvert de carrière permettant de passer d’un statut à l’autre. Le passage de maître-sse d’enseignement à professeur-e associé-e n’existe pour l’instant pas. Il faut le revendiquer, pour que les postes ne soient pas systématiquement mis sous concours, et que des parcours de carrière existent. Pour passer d’un statut à l’autre, il faut quitter son emploi, faire la formation à ses frais ou très éventuellement avec un statut d’assitant-e. En somme, la formation devient un investissement mis à la charge du/de la salarié⋅e et non intégré dans son parcours professionnel. Le système veut faire du/de la travailleur/euse un⋅e entrepreneur/euse de soi-même et la formation devient un investissement pour accumuler du capital humain.
Notre position, un résumé
Les enjeux liés au nouveau système sont les suivants. Avant tout, il y a la garantie du salaire carrière et des droits acquis pour toutes et tous les salarié⋅e⋅s. La bascule risque de faire perdre de nombreux/euses salarié⋅e⋅s. Il y a également la nécessité de briser le cloisonnement du système, qui vise à empêcher toute construction de carrière pour les salarié⋅e⋅s, en ouvrant partout où cela est possible des droits généraux, des automatismes salariaux et de statut, un accès à la qualification. C’est-à-dire que nous avons à défendre une logique de la qualification et du métier contre une logique du poste qui sert toujours les intérêts des employeurs. Nous devons également défendre la qualification et la professionnalité des salarié⋅e⋅s et lutter en particulier contre la séparation de l’enseignement et de la recherche que consacre le nouveau système. Les droits et les acquis obtenus doivent être généraux et reconnus, non seulement spour l’ensemble des HES, mais en général dans la fonction publique. Enfin, c’est la coopération libre et l’autonomie des salarié⋅e⋅s dans leur travail qu’il faut opposer à cette opération de hiérarchisation et de dépossession.
Garantie du salaire carrière et des droits acquis
4. Une revendication centrale pour nous c’est la défense des droits acquis, notamment par la garantie du salaire carrière tel qu’il dérive de la situation actuelle pour les salarié⋅e⋅s en place.
Nous nous battons contre toute dégradation directe du salaire, mais également contre le gel des salaires susceptible d’être mis en place dans certaines bascules. Il faut raisonner systématiquement en terme de salaire carrière. Il s’agit de calculer à partir du traitement actuel et de ses conditions de progression, le salaire cumulé sur la carrière. La garantie de ce salaire carrière doit être défendu comme un droit acquis. Le changement prévu de système de salaire et de statut ne doit en aucun cas conduire à une réduction du salaire.
5. Doivent être garantis également, l’ensemble des droits liés aux vacances, congés scientifiques et temps de formation continue et de perfectionnement.
Un pôle publique de l’enseignement supérieur et de la recherche
Nous défendons la construction d’un pôle public de l’enseignement supérieur et de la recherche, intégrant les HES. Il s’agit de constituer un service public, répondant au bien commun et travaillant selon des critères d’intérêt général, d’utilité sociale, de justice et d’égalité.
Un premier pas vers celui-ci passe par les conditions de statut et de salaire.
6. Il faut instituer des parcours de carrière en CDI, dans l’enseignement supérieur et la recherche, avec possibilité de circuler dans toute la fonction publique. Chaque personne doit se voir garanti son statut, sa rémunération, ses possibilités de progression, un parcours carrière ouvert sur toute la fonction publique. Il s’agit de casser la construction de la prétendue “autonomie” des HES et aller vers l’institution d’une aire publique du travail avec un statut unique.
Ce qui est en jeu ici, c’est non seulement la construction d’une stabilité et d’une trajectoire professionnelles, mais également la reconnaissance de l’expérience, des savoirs accumulés et de l’ancienneté des salarié-e-s. Ce sont des éléments décisifs pour le salaire carrière et la retraite. Dans un système, où chaque direction peut définir à sa guise les conditions, les travailleurs/euses n’ont, en fait, plus de trajectoire professionnelle et donc de “passé” reconnus. Dans un monde qui promeut la mobilité et la disponibilité maximales, des droits généraux étendus sont la condition d’une garantie de statut et de revenu, donc de protection professionnelle et sociale.
Financement public de la recherche et bien commun
7. La défense d’un véritable service public des établissements du tertiaire se combine avec la revendication d’un financement 100% public et stabilisé de la recherche. Pour tout ce qui relève du bien commun, de l’utilité sociale, de politiques liées à la justice, à la solidarité, à la promotion de l’égalité, la mise à disposition des résultats de la recherche doit être libre et gratuite.
Il faut en finir avec la gestion et le financement de la recherche par projets. Elle met sous pression les salarié⋅e⋅s et attaque également les conditions générales de la production scientifique. Ce mode de financement valorise inévitablement des recherches rentables sur le marché contre les recherches basées sur l’intérêt général et l’utilité sociale. Elle est un élément central de la construction de l’HES-entreprise, soumise à l’économie de profit, tentée aussi davantage par le “bling-bling” d’une publication qu’orientée vers le temps long d’une recherche fructueuse.
Les conséquences néfastes d’une telle politique tendent à remplacer les critères de scientificités dans l’évaluation par des critères spectaculaires et économisistes. S’ensuit une pression toujours accrue pour la productivité “court-termiste”, dominée par la recherche de fonds. Le système veut imposer une recherche en flux tendu, obligeant les salarié⋅e⋅s à quêter des fonds pour une prochaine recherche alors que celle en cours n’est pas terminée. Sont délibérément fragilisés les grands objectifs, les données stratégiques et le mouvement de long terme de construction du savoir.
La logique du poste contre la logique du métier et de la qualification
L’école-entreprise, dans le public comme dans le privé, fait primer la logique du poste sur la logique de la qualification et du métier. Avoir un diplôme, un métier et des connaissances, les employeurs continuent de les demander, mais ne les reconnaissent pas et surtout tentent de les payer au moindre coût. Les salarié⋅e⋅s mobilisent inévitablement les savoirs accumulés. Les employeurs définissent discrétionnairement les qualifications qu’exigent un poste de travail, parcellisant les savoirs, opérant sur eux un mode permanent de réduction et de limitation. Du coup, les métiers et les savoirs professionnels sont attaqués et ne constituent plus les critères pour définir le statut et donc le salaire. Tout ce qui est collectif est systématiquement mis en cause, dégradé. C’est donc le poste qui détermine l’obtention d’un statut. Il y a une claire prééminence de la gestion du personnel, commandée par les seules directions, dans une dynamique discrétionnaire.
A ce jour, il n’y a donc dans le système aucune forme d’automaticités, de droits garantis pour les salarié⋅e⋅s en termes de postes et de parcours de carrière. Dans les faits, ce système pousse à l’extrême la logique du poste et donc la logique de l’atomisation et de l’individualisation des salarié⋅e⋅s.
8. Le point de départ de la négociation est donc la reconnaissance des qualifications, du métier et du parcours professionnel pour déterminer les fonctions, définir les statuts et les salaires.
Cet élément est essentiel pour l’évaluation du barème salarial proposé. Donc, avant toute négociation sur celui-ci, il faut imposer cette thématique.
9. Concernant les maître⋅sse⋅s d’enseignement et les adjoint⋅e⋅s scientifiques, nous refusons que les statuts fragilisés ainsi créés servent à renforcer encore la division et la hiérarchisation des salarié⋅e⋅s. Dans tous les cas, nous revendiquons que le passage de C à B, et de B à A, soit obtenu sur la base d’un cliquet de 5 ans et donc structuré comme un parcours de carrière.
Des salaires et des critères d’accès aux postes
Nous l’avons dit, le barème tel qu’il est proposé, ne peut être évalué pour lui-même, puisque la question essentielle consiste à déterminer quels types de salarié⋅e⋅s seront colloqués dans ces fonctions.
10. De manière générale, nous revendiquons une classification basée sur la qualification et le métier. Celle-ci doit être systématiquement construite sur la base du mieux-disant à l’Université de Lausanne et dans le secteur de l’enseignement de la fonction publique vaudoise.
La détermination du calcul de l’expérience professionnelle requise pour accéder à un poste (les 5 ans, par exemple) doivent faire l’objet d’un critère commun pour toutes les écoles.
11. Nous revendiquons que l’expérience professionnelle soit calculée sur la base d’un système négocié, avec publicité des critères utilisés. L’expérience à temps partiel doit être comptée en année pleine. Doivent être intégrés les parcours professionnels marqués par des interruptions d’activité liées aux tâches générales de vie. La reconnaissance de l’activité professionnelle doit se faire sur la base d’une prise en compte des parcours métiers, des expériences accumulées dans des domaines intellectuels ou professionnels connexes et intégrer les expériences générales sociales, humaines et intellectuelles que le/la salarié-e mobilise pour l’exercice de son activité.
Parcours de carrière véritable
De manière générale, la LHEV prétend, en créant de nombreux statuts différents, rendre possible de nombreux parcours de carrière. Cela est faux. Ces statuts précarisent, divisent et fragilisent les salarié⋅e⋅s. Un bon parcours de carrière c’est tout d’abord un CDI et une reconnaissance complète de l’expérience professionnelle, de l’ancienneté, des diplômes. C’est la possibilité de se former et d’acquérir de nouvelles qualifications. C’est l’accès ouvert par des droits aux différents statuts. Lorsqu’un parcours professionnel est conditionné par l’existence de postes dans le budget, cela renvoie toujours à une décision unilatérale de l’employeur et permet l’exploitation à moindre prix du savoir accumulé et une pression permanente à la baisse des salaires.
12. Nous devons construire systématiquement un rapport de force plus favorable aux salarié⋅e⋅s. Au fil de ce travail de mobilisation, il faut chercher à tout prix à subvertir le système de fonctions qui nous est initialement imposé par la loi. Nous défendons une position en termes de principe et de stratégie. Elle refuse cette hiérarchie et promeut l’horizontalité. Il s’agit de défendre des droits, des automaticités, des parcours possibles et réalisables, des progressions réelles.
Dans ce système, la séparation de l’activité d’enseignement et de recherche provoque de fait un blocage des carrières. En effet, les maître⋅esse⋅s d’enseignement et les adjoint⋅e⋅s scientifiques ne pourront se prévaloir d’une expérience d’enseignement et de recherche pour accéder aux postes de professeur⋅e⋅s. L’organisation des statuts enferme les gens, bloque leur développement professionnel et donc mutile les potentialités du métier.
Défense du métier, de la professionnalité et de la qualification
Il nous faut avancer des revendications qui permettent à toutes et à tous de progresser professionnellement par l’’accès à la qualification et à la certification, par la validation des acquis et de l’expérience.
13. La possibilité de réaliser, en cours de professorat ou dans les postes d’adjoint⋅e⋅s ou maîtres⋅se⋅s d’enseignement, un master ou un doctorat sans avoir à retourner à la case départ (assistant⋅e voire étudiant⋅e) doit être instituée.
Nous demandons aussi l’introduction du “chef d’oeuvre” comme démarche possible de certification. Celui-ci peut être défini comme un processus de travail complexe mobilisant les savoirs et les qualifications essentiels dans l’exercice du métier.
14. Il est important d’ouvrir la possibilité de réaliser par “chef d’oeuvre” une équivalence master ou doctorat afin de pouvoir accéder aux postes de professeurs associés et ordinaires. Nous refusons une démarche de “chef d’oeuvre” ne donnant pas une certification aux personnes qui le réalisent, les contraignant, du coup, dans un marché du travail très restreint.
Cette possibilité est ouverte par la loi pour l’équivalence doctorat. Mais les critères ne sont pas bien définis. Cette possibilité devrait être étendue au master, avec des critères publics, accessibles à toutes et tous et garantis.
Il est également nécessaire, autant dans la bascule que dans le fonctionnement général du système, que les personnes qui n’ont pas effectué de parcours académique ne soient pas pénalisées. L’accès à la certification est décisif pour la reconnaissance durable des qualifications de ces salarié⋅e⋅s.
15. Le Département doit ouvrir une possibilité d’accès à la certification bachelor, master et doctorat pour ces personnes en combinant des éléments de VAE et de formation intégrée dans le temps de travail.
Des CDI pour toutes et tous
Dans ce nouveau système, il y a également l’instauration, pour les professeur⋅e⋅s ordinaires et associé⋅e⋅s de contrats à durée déterminée (CDD) de 6 ans, à la chaîne. Il y a donc une précarisation de l’emploi ouvrant aux pressions voire au chantage pour le renouvellement. Le fait qu’un professeur a réussi à ramener des fonds externes, publics ou privés, pour financer des recherches sera certainement un critère prédominant pour la poursuite des contrats de travail.
Même pour des postes formellement dotés d’un CDI comme ceux d’adjoint⋅e⋅s scientifiques, la précarité sera la règle. Car, ces salarié⋅e⋅s seront, dans la plupart des cas, engagé⋅e⋅s sur des fonds externes.
16. Nous refusons la logique de précarisation des CDD à la chaîne. Nous revendiquons le CDI pour toutes et tous, avec la possibilité de parcours de carrière dans la fonction publique, sur la base du maintient des droits acquis et de la reconnaissance de l’ancienneté et de l’expérience.
De l’évaluation
Pour les deux statuts de professeur⋅e⋅s, il y a l’enjeu de l’évaluation telle qu’elle est définie dans la LHEV et dans le RLHEV. Cette évaluation interviendra à trois reprises. Après la période probatoire de 2 ans, tous les 6 ans, et, également, n’importe quand sur simple demande de la direction. Cette évaluation, telle que définie dans le règlement, serait réalisée par la direction elle-même (pas nécessairement composée par des pairs) ou, par délégation, par le/la responsable hiérarchique de la salarié⋅e. A ce jour, aucun critère d’évaluation n’est défini et sera du ressort de chaque direction. La voie est largement ouverte au pouvoir discrétionnaire.
17. Nous sommes opposé⋅e⋅s aux logiques d’évaluation commandées et définies par les directions. En cas de difficultés dans la réalisation de l’activité professionnelle, c’est à la direction d’intervenir, d’amener les preuves de ces difficultés. Les salarié⋅e⋅s doivent avoir une possibilité de recours contre les décisions de la direction en matière d’évaluation et de sanction.
Coopération et autonomie
Le système de l’école entreprise tend à développer contre les coopérations libres des processus de coopérations contraintes qui nourrissent les démarches d’évaluation.
Ces processus de coopérations contraintes représentent à la fois une surcharge de travail dans la mesure où ils viennent s’ajouter aux tâches ordinaires, et à la fois une démarche de contrôle et d’expropriation des savoirs et une démarche de disciplinarisation et de contrôle des actes de travail. Tout ceci est inséparable, naturellement, de la conception dominante en matière d’enseignement et de recherche dans l’actuelle construction de l’école-entreprise. Sont également menacés les éléments de liberté pédagogique.
Nous défendons, quant à nous, le principe de la coopération libre, de la plus large liberté pédagogique et de la reconnaissance, donc de l’intégration dans le salaire et les conditions générales du travail, des pratiques de coopération.
Fixation du salaire initial
La fixation du salaire initial sera dorénavant pour les HES publiques du ressort de la direction et non plus du Département. Nous savons combien ce type de disposition est une arme pour faire baisser la rémunération.
18. Nous demandons les même critères de reconnaissance pour la progression en parcours de carrière que pour la fixation du salaire initial (cf. Revendication n° 11). Il est inacceptable que les règles en vigueur dans la LPERS, déjà fort mauvaises et combattues par nous, soient encore dégradées dans le secteur des HES.
Bascule et licenciement collectif
Pour la bascule, nous rappelons les revendications présentes dans ce texte:
• intégration dans les droits acquis du salaire carrière, et de l’ensemble des droits liés aux vacances, congés scientifiques et temps de formation continue et de perfectionnement.
• possibilité de se former et d’accéder à des certifications sur le temps de travail,
• parcours professionnels et statuts déterminés par des progressions de droits liés à l’expérience, à l’ancienneté, et à la certification.
Nous devons considérer la possibilité, dans le processus de bascule, de licenciements collectifs ou de congé-modifications généralisés dans les HES privés voire dans les HES publiques. Nous attirons l’attention de tout le personnel concerné sur la nécessité d’être particulièrement mobilisé dans le processus de négociation en cours car il s’agit là d’échéances où les travailleurs/euses sont particulièrement fragilisé⋅e⋅s et susceptibles d’être soumis⋅es à des pressions de toutes sortes. Il faut donc intégrer, dans la négociation en cours, des dispositions de protection, excluant le recours au licenciement collectif comme forme de reclassification et de mise au point de nouveaux contrats de travail.
Conclusion
Nous sommes dans les premiers pas de la construction d’un rapport de force qui doit nous permettre à la fois d’obtenir de meilleures conditions de travail et de construire, progressivement, un véritable enseignement supérieur de service public et de bien commun. C’est le passage de la prééminence des intérêts privés à une logique de prise en compte de l’intérêt général de la société, de socialisation.
Pour nous, la liberté pédagogique, la coopération libre, l’enseignement supérieur au service de l’intérêt général, sont des éléments d’un changement de fond pour lequel il nous faut une force qui tienne au-delà des échéances et des contingences particulières. Cette force réside dans la mobilisation et l’activité des salarié⋅e⋅s, et dans la construction systématique du syndicat. Vous avez un bulletin d’adhésion à la fin de cette publication.
Vous êtes également toutes et tous invité⋅e⋅s à participer à la réunion ouverte que nous organisons sur le nouveau système des fonctions dans les HES, le mercredi 7 janvier 2015 à 18 heures. Ce sera l’occasion de débattre sur les revendications présentées dans ce premier bulletin.