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La lutte des Six syndicalistes de la CNT à Gijón

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Faire du syndicalisme ne constitue pas un délit

Gijón, Asturies, Etat espagnol. Dans la ville, une pâtisserie, « La Suiza ». Une vendeuse de l’établissement réclame le paiement des heures supplémentaires. D’autres salarié·es se joignent à cette lutte. Le syndicat CNT la soutient. Les piquets et les actions se multiplient. Mais il y a aussi escalade du côté des patrons, de l’appareil d’Etat, justice et police, voilà des pouvoirs médiatiques. Une condamnation de trois années et demi de prison vise 8 camarades. C’est une longue lutte pour affirmer la liberté syndicale, empêcher la criminalisation de l’action des travailleuses et du syndicat. C’est un combat exemplaire.

Ce qui n’était au départ qu’une simple plainte d’une employée contre son employeur s’est transformée en un conflit juridique visant à criminaliser l’action syndicale. Cela fait cinq ans que les camarades de la CNT ont ouvert un conflit syndical avec la boulangerie La Suiza.

Au début, il semblait s’agir d’un des nombreux conflits de travail qui ont surgi en 2016. Le syndicat était en pleine croissance. Plusieurs conflits étaient en cours, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, où l’action de rue avec piquets, affiches, distribution de tracts et diffusion sur les réseaux sociaux était la norme.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le cas d’une travailleuse de La Suiza. Le conflit a commencé parce que cette travailleuse voulait réclamer les sommes qui lui étaient dues pour les heures supplémentaires et les congés, ainsi que mettre fin à la relation de travail.

Lorsque le syndicat l’a rencontrée, il a découvert une personne qui montrait des signes de terreur à l’idée de devoir reprendre son travail après un congé de maternité. Elle affirme avoir subi un traitement insupportable avec des remarques vexatoires, humiliantes et déplacées. Elle avait été contrainte de porter des sacs de farine de 25 kg, malgré sa grossesse. Une situation inacceptable qu’elle a décidé d’affronter avec le courage et le soutien du syndicat local.

La réponse de l’entreprise : insultes, attitude menaçante, arrogance et aucune intention de traiter avec le syndicat. En raison de l’impossibilité de communiquer, le conflit s’est déplacé dans la rue et une campagne d’action syndicale a été lancée.

Compte tenu du soutien reçu lors des piquets d’information, tant de la part du syndicat que des mouvements sociaux de la ville, le propriétaire de l’établissement a décidé de dénoncer 8 syndicalistes de la CNT pour harcèlement dans le cadre d’une procédure pénale, tentant ainsi de criminaliser à la fois l’organisation syndicale et l’action directe des travailleurs·euses.

Pendant et après le conflit, une série d’irrégularités et de pratiques douteuses ont eu lieu : fausses dénonciations, usurpation d’identité, dénonciations pour entrave à l’administration de la justice…. Il y a même eu une tentative de mise hors la loi du syndicat, qui a été dénoncé comme une association illicite.

Les camarades condamné·es pourraient aller en prison

Le 23 juin 2021, le juge Lino Rubio a condamné sept des accusés à trois ans et demi de prison, à une interdiction d’exercer de deux ans et demi et à une indemnité de 150’428 euros, et le huitième à huit mois de prison pour avoir enregistré une vidéo.

Une condamnation injuste et disproportionnée, orchestrée par une confluence d’acteurs différents (hommes d’affaires, policiers, procureurs et juges).

Ils condamnent huit personnes parce qu’ils ne peuvent pas condamner l’ensemble du syndicat. La réponse a été l’organisation d’une manifestation massive à Gijón où, en plus de l’ensemble de la Confédération, ils ont reçu la solidarité de syndicats et d’autres organisations.

Ils ont reçu la solidarité des syndicats et des organisations de la ville, ainsi que la solidarité internationale. Pour la presse locale, il n’y a jamais eu de manifestation de 2’000 personnes à la mi-juillet 2021, au début du mouvement.

Le recours de la CNT auprès de l’Audience provinciale des Asturies a été rejeté. Les peines de prison de six personnes, un camarade homme et 7 camarades femmes, ont été confirmées, deux ont été acquitté·es ainsi que la CNT elle-même. En dix jours, le tribunal a miraculeusement pris connaissance des 14’000 pages de l’acte d’accusation.

Un recours a ensuite été présenté à la Cour suprême et le 24 septembre 2022, nous avons démontré la grandeur de la solidarité, toute la chaleur du syndicalisme et du féminisme, en soutenant et en manifestant notre solidarité avec les Six, parce que si aujourd’hui c’est eux, demain ce sera nous.

20’000 camarades ont envahi les rues centrales de Madrid pour réclamer l’acquittement des Six syndicalistes de Gijón, avec le soutien de citoyens, de syndicats, d’associations et de collectifs, des féministes et de la plate-forme des syndicalistes réprimés, sous le slogan : « Faire du syndicalisme ne constitue pas un délit ».

Nous attendons que le pourvoi en cassation devant la Cour suprême soit admis, car il se trouve actuellement dans la chambre d’admission de la Cour suprême. Le ministère public a émis un rapport défavorable pour l’empêcher d’aller de l’avant. La Cour suprême doit maintenant décider si elle l’admet ou non. Si elle n’est pas admise, la condamnation sera définitive et le ministère public pourra demander l’exécution de la peine.

Une simple affaire syndicale devient un cas exemplaire de lawfare

Le seul intérêt au départ du conflit syndical était et reste la défense des droits d’une travailleuse. Mais les faits retenus par les tribunaux ne sont que la version de l’employeur, qui affirme avoir été soumis à une pression énorme qui l’a contraint à fermer l’entreprise.

90 % des rassemblements ont été communiqués et approuvés par la délégation gouvernementale, et ceux qui n’ont pas été communiqués n’étaient pas non plus illégaux, puisqu’il y avait une présence policière à tous les rassemblements et qu’il n’y a jamais eu d’intervention de leur part.

Si cette condamnation est prononcée, elle pourrait créer un précédent : Trois ans et demi pour avoir demandé à rencontrer un employeur et tenu une banderole. Le message qu’ils veulent nous envoyer à toutes : ne penser même pas à dénoncer un harcèlement de l’employeur.

C’est vrai, pour avoir mené une action syndicale standard, elles peuvent aller en prison.

Quelle est l’action syndicale standard : recueillir toutes les informations fournies par les salarié·es, vérifier qu’il existe un grief et que le cas peut être défendu par une action syndicale et juridique, expliquer aux travailleurs·euses les options disponibles et s’enquérir de leur décision quant à la marche à suivre.

Par la suite, demander un entretien avec l’employeur. S’il n’accepte pas de recevoir le syndicat ou de satisfaire les requêtes légitimes de ses employé·es, l’étape suivante consiste à faire connaître la situation à la société. La chose normale à faire est d’organiser un petit rassemblement avec une banderole devant l’établissement ou l’entreprise afin que le public sache que les droits y sont violés, de notre point de vue.

Conclusion

Mais l’action syndicale est légale, n’est-ce pas ? Bien sûr, mais certains secteurs considèrent l’action syndicale comme une action criminelle, ils la poursuivent, et ce de manière disproportionnée.

Les condamnations qui font l’objet du recours à la Cour suprême visent à un emprisonnement pur et simple. L’objectif est de punir et de terroriser les personnes qui pratiquent la solidarité et fournissent aux personnes vulnérables des ressources juridiques et syndicales pour leur défense.

Le syndicalisme appartient aussi aux femmes ; et nous, les femmes, nous nous défendons aussi, nous prenons position, et le patriarcat et le capitalisme voient cela comme une menace. Ils nous ont toujours sous-estimées, mais nous, les femmes, avons toujours été là, dans les grèves et sur les lieux de travail. Nos camarades syndicalistes de la CNT ont fait ce que toute travailleuse ferait en se soutenant mutuellement et en s’organisant.

Si plusieurs femmes demandent une réunion et négocient dans le cadre d’un conflit, pour défendre une autre femme, ce qui n’est pas concevable pour certains employeurs, alors cela fait l’objet d’une criminalisation inacceptable. L’exercice du syndicalisme ne constitue pas un délit, mais pour le propriétaire de la boulangerie, pour le juge et pour le tribunal provincial des Asturies, c’en est un.

Sur la base de l’article « Las Seis de Gijón, pendientes de un hilo », CNT Espagne

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