Numéro 36 – décembre 2021
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L’esprit derviche
Voilà bien ce qui manquait à notre automne: une consultation au déroulement inacceptable sur le Concept 360° pour les formations du Secondaire II. Ainsi, à notre connaissance et selon les établissements, il y aura eu des conférences des maître.sse.s ou pas, des réponses données par des files ou regroupements de files ou seulement par des individus qui l’auront bien voulu, sans parler du gymnase qui passera directement à l’élaboration de son «propre Concept». Vertige.
La même Direction générale de l’enseignement post-obligatoire (DGEP) qui est sourde à tous les signaux d’alarme quant aux dépassements chroniques des effectifs de classe, affirme vouloir «demeurer proche des besoins réels du terrain»; ce serait même une «préoccupation nodale». Pour ce faire, la DGEP a mobilisé des expert.e.s, «une représentation significative des acteurs et actrices des écoles […] déléguée par les Conférences des directeurs/trices du Secondaire II». Qui sont ces personnes? Quel mandat ont-elles reçu? Mystère. En tous les cas, les syndicats ont soigneusement été écartés.
Ce qui est sûr, c’est que les collègues de la plupart des gymnases, après en avoir débattu, ont refusé l’entrée en matière sur le questionnaire consultatif proposé par la DGEP et le DFJC. Certain.e.s ont opté pour la rédaction d’une réponse de la conférence des maître.sse.s sur les aspects de l’Ecole inclusive qui requièrent des considérations fondées véritablement sur la pratique et le terrain comme, par exemple, la question cruciale des moyens mis à disposition pour la mise en œuvre de ce projet. Le comité de l’AVMG soutient pleinement ce type d’initiative et travaille à une prise de position commune à SUD Education qui circule parmi ses membres. Cette position sera livrée au Département dans le délai du 19 décembre.
Pour celles et ceux qui préfèrent la version Kaamelott du 360°, un supplément vidéo est sur www.avmg.ch. Un extrait:
«- Quand vous entrez dans une pièce, la première chose à faire, c’est un test de sécurité […] vous faîtes un tour complet sur vous-même, en vérifiant chaque recoin d’un coup d’œil et vous vous remettez en place avant d’avancer: vous faîtes un 360 degrés.
«- C’est pas un peu chaud?»
A l’hôpital, ce sont les malades qui dérangent et les élèves à l’école
Toutes et tous auront sans doute remarqué, en passant, que la plupart des mesures anti-covid prises par les autorités durant la crise (y compris la vaccination de masse) avaient aussi pour but… d’éviter d’avoir à accueillir et soigner des malades supplémentaires dans des hôpitaux déjà surchargés. Pendant ce temps, rien ou presque n’était dit ou fait qui puisse concerner le manque de financement chronique dont souffrent les institutions de santé publique. De fait, dans les services publics en général, on pourrait presque voir la crise du covid comme la sinistre apothéose de l’Austérité que nous combattons depuis 30 ans, et ceci alors même que se constituent dans le privé des fortunes colossales qui finissent en très peu de mains… Et si c’était la même visée économiste, à la fois profondément inégalitaire et prétendument émancipatrice, qui présidait à la numérisation de l’école, au 360°, à la massification par synergie des établissements scolaires et autres supposés progrès techniques ou sociaux? On a le droit de ne pas vouloir «Confondre l’apparence avec la vérité, Estimer le fantôme autant que la personne / Et la fausse monnaie à l’égal de la bonne.»
(Tartuffe, Acte 1er, scène V, vers 336-338).
Taraneh toujours bien à gauche
Notre collègue Taraneh Aminian, enseignante de chimie à Burier jusqu’à la fin septembre (elle vient de prendre sa retraite: nous la saluons!), députée au Grand Conseil, très active à SUD, a été taxée de «transfuge» par le quotidien 24Heures parce qu’elle avait quitté le parti socialiste vaudois pour aller chez «Décroissance alternatives». En fait, quand on lit l’article du quotidien on découvre que Taraneh, loin d’être une transfuge, serait plutôt une ostracisée, ayant été menacée par écrit d’expulsion du parti socialiste vaudois avant, finalement, de le quitter. Et pourquoi donc ces menaces d’excommunication?
Très simple: en tant que députée, elle a posé des questions dérangeantes aux conseillères d’Etat issues de son parti, notamment autour de l’article 61 de la LPers qui régit le licenciement avec effet immédiat pour justes motifs. La législature en cours est en effet marquée par ce phénomène inquiétant qui frappe le personnel de l’Etat de Vaud: le nombre des licenciements avec effet immédiat excède celui des licenciements ordinaires jusqu’à en représenter près du double: 20 licenciements ordinaires contre 39 licenciements immédiats dans l’Administration cantonale vaudoise du 1er juillet 2017 au 31 juillet 2020 (chiffres donnés par le Conseil d’Etat). Or, la seule conviction de l’employeur que le lien de confiance est rompu suffit la plupart du temps à signifier l’irrémédiable à la salariée ou au salarié qui ne pourra même pas être réintégré.e en cas de victoire devant les Tribunaux. Comment se fait-il que le licenciement extraordinaire devienne plus fréquent que le licenciement ordinaire? Se soucier du fait que l’Etat-employeur puisse ainsi mettre à la rue, sans salaire du jour au lendemain, qui il veut rien qu’en claquant des doigts, ne serait-ce plus se montrer socialiste? En réalité, Taraneh Aminian est restée à sa place, à gauche de l’hémicycle, elle n’a pas bougé d’un millimètre. Et quant au parti socialiste, se rapprochant de plus en plus d’un pouvoir sans partage, il semble qu’il ait subi la fameuse loi de gravitation politique dont parlait le philosophe Alain: la pente est à droite.
Pages de gauche présente ses excuses
En automne 2019, le périodique Pages de gauche avait reproché à SUD et à l’AVMG (on ne sait trop pourquoi) d’avoir défendu syndicalement l’un de ses membres brutalement licencié à l’aide de l’article 61 dans des circonstances qui n’ont pas été encore éclaircies – la chose étant toujours devant les Tribunaux à l’heure où nous parlons. Eh bien Pages de gauche a présenté ses excuses à notre collègue licencié, le rédacteur en chef reconnaissant devant la procureure de l’Etat de Vaud qu’il avait (stupidement, hélas…) «reproduit sans la vérifier l’accusation [portée contre notre collègue] d’avoir tenu des propos sexistes répétés […], et […] qualifié cela de propos de gros con» (nous citons ses excuses mot à mot). Selon Le Ministère Public, «par son comportement illicite et fautif […], le rédacteur en chef a donné lieu à l’ouverture de l’action pénale, il devra donc en supporter les frais.» (Ordonnance de classement du 21.10.21).
Cela dit, nous nous félicitons de ce repentir. Il est en effet impératif que le droit à la défense individuelle soit garanti sans réserve.
Ecole de commerce: «ça va secouer!»
Parole de Directeur général. Sur ce sujet comme sur d’autres, le Département a longtemps été aux abonnés absents plutôt qu’à la table de négociations avec les syndicats. Il a distillé des bribes d’informations avec une rare parcimonie. Une action commune des organisations syndicales (SUD, SSP et SPV) – qui ont inlassablement interpellé l’employeur et fini par mettre la Cheffe de Département en demeure de négocier – a débouché sur une séance de travail et deux dates de négociations en janvier et février 2022. Les revendications des Assises de 2019 seront intégrées à la nouvelle situation provoquée par la réforme 2022. Nous vous tiendrons au courant!
Nos meilleurs vœux pour 2022, sans carottes ni bâton!
Cette année 2021, un directeur de gymnase parlant devant des caméras officielles s’est entre autres interrogé sur la motivation des maître.ess.es de gymnase. Il s’est demandé (nous le citons mot à mot) «comment gérer des enseignants qui sont plus ou moins assurés de garder leur poste?». Il a ensuite conclu plaisamment que, en matière de management, «plus que la question du bâton, c’est la carotte qui est importante!» (vidéo en ligne sur notre site). Eh bien, quant à nous, c’est une année 2022 sans carotte ni bâton que nous vous souhaitons, c’est-à-dire pleine du désir d’apprendre et de faire apprendre – «donner à voir», comme disait le poète! Haut les cœurs, chères et chers collègues, et, malgré la malice des temps, meilleurs vœux pour l’ânée… pardon, l’année qui vient!
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