SUD info – Avril 2013
La droite parlementaire attaque l’accord sur la CPEV entre le Conseil d’Etat et la seule FSF. Elle veut supprimer la rente-pont AVS. Une campagne de presse cherche à faire passer les employé⋅e⋅s du secteur public pour des privilégié⋅e⋅s.
Nous ne laisserons pas baisser nos rentes et péjorer nos conditions. Nous nous battrons.
Les acteurs de cette pièce
Quatre centres de pouvoir sont aux commandes dans le dossier de nos retraites. Tout d’abord le Conseil d’Etat qui a préparé un cadre de financement par l’intermédiaire des projets de décret et de loi. Ce sera ensuite au Grand Conseil de décider de cet objet et comme nous l’avons dit plus haut, la droite dure menace. Elle se sent forte des renoncements des conciliateurs/trices et de l’attitude hostile du Conseil d’Etat à l’égard des fonctionnaires. D’ici juin, il faudra que le Parlement décide et qu’un plan soit présenté à l’Autorité de surveillance des caisses publiques (ASSO). Cette autorité devra accepter ce plan ou pourra à l’inverse imposer des modifications pour le rendre conforme à la lecture qu’elle fait des dispositions légales fédérales.
Mais le Conseil d’Etat ne se contente pas d’un projet de financement. Par le biais de l’accord avec la seule FSF, il tente d’imposer au Conseil d’administration de la CPEV un régime de retraite que cet organisme devrait régler en toute indépendance par le biais d’un règlement dont il est responsable de la production.
Un des problèmes du Conseil d’Etat réside sans doute dans son goût immodéré pour l’excès. Pour l’employeur public, même les très modestes dispositions légales semblent constituer un insupportable corset. Il tente de forcer le passage avec une brutalité discrétionnaire et hâtive. Il manipule les chiffres, créée des illusions d’optique et met en avant des solutions de pure apparence à des problèmes matériellement décisifs. L’ASSO a rappelé à l’ordre le Conseil d’Etat en «retoquant» gravement sa première ébauche de plan et en adressant un message indirect mais très clair au Conseil d’administration. La convention entre le Conseil d’Etat et la seule FSF ne peut pas être contraignante pour le règlement qui doit être élaboré par le Conseil d’administration de la Caisse pour le régime de retraite.
Progressivement, mais de plus en plus vite, le plan et la stratégie du Conseil d’Etat sont en crise. On ne peut plus exclure que ce projet soit très significativement retouché, au désavantage des salarié.e.s d’ailleurs, voire même purement et simplement rejeté.
La situation est encore compliquée par la menace de référendum que l’UDC brandit si la dégradation du projet ne lui paraissait pas assez féroce.
Nos objectifs
Notre objectif central consiste à faire rejeter ce plan et à imposer de nouvelles négociations. Pour être clair⋅e, si l’ensemble des forces politiques et syndicales (qui ont ou devraient avoir intérêt à ne pas laisser la droite dure emporter le morceau – avec l’égoïsme social et l’arrogance qu’on lui connaît) tirent à la même corde, il est possible de construire les obstacles parlementaires et de faire monter la mobilisation syndicale pour nous permettre de résister efficacement et même de gagner.
De toute manière, la lutte doit être engagée au moins pour limiter ou pour détruire les dispositions les plus insupportables du plan gouvernemental. En ce sens, la mobilisation régulière des salarié⋅e⋅s durant toute la période qui s’ouvre est un élément décisif. Toutefois cette mobilisation peut et doit être complétée par un travail institutionnel, juridique, d’information et de contact avec les élu⋅e⋅s et notamment avec les forces qui sont ou se disent progressifs.ves dans l’arène parlementaire. Certes, cette bataille n’est pas sans risque, mais le risque le plus important et le plus significatif, c’est de renoncer et de donner le signe que nous sommes prêt.e.s à accepter. Si nous faisions ainsi, les mauvaises conditions que l’on prétend nous imposer aujourd’hui empireront dans les années qui viennent.
Travailler au rejet, tenter d’arracher une nouvelle négociation, et en tout cas résister pour rendre moins nuisible le plan qui s’exprime dans la Convention Conseil d’Etat-seule FSF, telle est l’orientation que nous proposons aux salarié.e.s du secteur public et aux forces syndicales qui entendent effectivement faire obstacle à la régression sociale que représente le plan gouvernemental et les projets de la droite parlementaire.
Le plan est friable
Nous savons que le plan du Conseil d’Etat, en vue de trouver l’approbation de la majorité de droite au Grand Conseil, est sous-financé à hauteur de plus de 350 millions. L’exécutif a développé cette fragilité financière à la fois pour montrer à la droite qu’il réalisait de grandes économies et pour imposer au personnel la liquidation d’un certain nombre d’acquis dont nous connaissons aujourd’hui la teneur et à peu près le prix.
Cette fragilité recherchée à des fins populistes reçoit aujourd’hui un éclairage particulier. Il est plus que probable que les biens immobiliers de la CPEV aient été à dessein sous-évalués pour imposer la politique de démantèlement des prestations de la Caisse. Il faut donc imposer une évaluation objective des biens de la Caisse et revoir en conséquence le processus de recapitalisation.
N’oublions pas que l’Etat doit à la Caisse presque 2 milliards de francs au titre de l’indexation des rentes imposées à la CPEV sans financement ad hoc pendant 20 ans. L’employeur-public a à notre sens l’obligation légale de rendre cet argent tout comme il a l’obligation de mettre dans le circuit de la recapitalisation la véritable valeur des biens immobiliers. Tout cet argent, tous ces milliards, doivent permettre d’améliorer le sort des assuré⋅e⋅s et des pensionné⋅e⋅s et de garder tel quelles les conditions actuelles de nos retraites.
Les passages en force du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a intégré dans son plan une série de points dont la légalité est plus que contestable. Rappelons que le cadre légal actuel, qu’il soit fédéral ou cantonal, correspond à une vision et à un projet de type néo-libéral. Il ne répond à aucun des besoins de sécurité sociale qui sont les nôtres. Il n’améliore pas la situation de la Caisse et ses prestations. Au contraire, il l’attaque, la fragilise et l’inscrit dans une stratégie de régression sociale. Mais même ce cadre légal est insupportable à l’employeur. Il cherche à le plier, à le contourner, à le vider. Voyons quelques éléments de ce processus.
Le plan du Conseil d’Etat prévoit deux âges minimaux de retraite à 60 et 62 ans. SUD a déjà clairement manifesté qu’il était normal que les activités à forte pénibilité et dangerosité puissent bénéficier d’un meilleur âge de retraite. Mais ce n’est pas cet élément-là qui est traité dans le plan du Conseil d’Etat. La retraite à 60 ans constitue une prestation particulière qui doit être légalement financée de manière spécifique. L’argent pour financer de meilleurs âges de retraite pour une partie, voire pour l’ensemble des salarié⋅e⋅s existe pour peu que l’Etat paie ses dettes et que les biens de la Caisse soient évalués de manière juste. Ce qui n’est pas acceptable, c’est de créer un âge de retraite sans le financement particulier que la loi demande. Nous nous battrons contre cela. Ce que le Conseil d’Etat accorde de manière particulière, il doit le financer.
Le rachat à 100% de tout changement de classe met également à mal les dispositions légales. Il s’agit d’une véritable contribution mise totalement à la charge des salarié.e.s qui vont par milliers y perdre des sommes extrêmement importantes qui se chiffrent en milliers de francs. Nous n’allons faire de longs développements juridiques, mais il est clair que le changement de classe est compris dans la dynamique salariale et dans un parcours de rémunération dont la cotisation pour la Caisse de pensions doit au moins être partagée en deux moitiés. Pour nous, c’est l’employeur qui décide de ce changement et qui doit donc payer la totalité de la cotisation de rattrapage. Mais, en tout cas, il est intolérable et illégal d’imposer la spoliation prévue. Avec cette opération, le Conseil d’Etat gagne sans doute plus de 360 millions. Il bénéficie d’énormes sommes sans payer un sous d’intérêt. Cela revient à réduire ses propres cotisations.
Un troisième élément mérite d’être souligné. Il s’agit, dans le projet du Conseil d’Etat de casser les dispositions de la Lpers sur la fixation de l’indexation et de réduire celle-ci de 1,1%. Cette réduction, qui contient une dynamique cumulative dans les prochaines décennies, rapportera des centaines de millions à l’Etat. L’employeur public a l’intention de l’imposer sans négociation, sans discussion, au mépris même des dispositions légales de la Loi sur le personnel qui lui sont pourtant insolemment favorables. Nous invitons chacun et chacune à calculer l’effet cumulé entre 2014 et 2052 d’une coupe de 25 millions de francs. L’Etat peut gagner plus de 950 millions sur 38 ans. Ce presque milliard c’est nous qui le payons.
Les pertes irrémédiables
Le Conseil d’Etat prétend payer les deux tiers des 4,5 milliards de la recapitalisation. En fait, il n’en est rien. Dans le meilleur des cas, il en verse un tiers et ce sont les salarié⋅e⋅s qui payons les deux autres tiers, voire davantage. L’employeur prétend qu’il a fait des concessions en passant d’une rente calculée sur la moyenne des salaires lissée sur 38 ans à une moyenne lissée sur les 12 dernières années. Il prétend également que la perte n’est alors que de 6% par rapport à la rente actuelle. En fait, le coût de cette mesure correspond aux coupes imposées par le rachat à 100% des changements de classe.
De plus, ce 6% peut à la limite correspondre à la perte d’une personne ayant travaillé à 100% sur 38 ans. Mais pour des personnes travaillant à temps partiel et/ou qui n’ont pas la totalité des droits, la perte devient beaucoup plus importante.
Sur un autre plan, la retraite à 60 ans non financée représente sans doute une ponction de 10% sur les retraites. Ajoutons que l’espérance de vie entre les deux collectifs 60 et 62 ans pour la retraite est identique. La durée de retraite de deux ans plus longue pour un des collectifs a donc un coût absolument évident.
Pour conclusion, la mobilisation!
Chacun des points que nous avons analysés représente des centaines de millions. Nous mettons au défi le Conseil d’Etat de les chiffrer de manière précise sur toute la période 2014-2052. Il n’est pas acceptable qu’un employeur tente de contourner ou de violer les dispositions légales et cache de manière aussi têtue les retombées financières du plan qu’il prétend imposer à ses salarié⋅e⋅s.
Dernière remarque sur la rente pont AVS. Là aussi, en affectant 16 millions et en prétendant financer avec cet argent des éléments de politique sociale qui ne répondent pas au plan d’assurance, le Conseil d’Etat nous refait le sempiternel et insupportable coup de la générosité financée par le prélèvement dans la poche des autres. Il est clair que le temps passé à des tâches familiales et à l’éducation des enfants, le travail de nuit, les pénibilités, méritent des compensations et des améliorations de situation. Il faut le faire, mais ce n’est pas en coupant dans les retraites et notamment dans la rente-pont que le Conseil d’Etat doit essayer de s’accrocher une petite médaille pour l’esprit social. Il n’a pas d’esprit social et ce n’est pas à nous de payer pour ces faux-semblants.
Lutter est réaliste et possible. Il ne peut être question de se résigner car la résignation est le gage du pire à venir.
Ce SUD Info est complété par un texte présentant les propositions de SUD pour la mobilisation dans les semaines à venir. Il est à télécharger sur notre site.