A quoi faisons-nous face?
L’école a toujours été inégalitaire. Elle le reste aujourd’hui. Mais elle peut et elle doit changer. Il y eut au XXe siècle des volontés politiques de réduire les inégalités. Elles n’aboutirent que très partiellement. A notre époque, il n’est même plus question de cela. Dans ce canton, que ce soit la Loi sur l’enseignement obligatoire (LEO), la Loi sur la pédagogie spécialisée (LPS), ou les réformes à venir de la maturité gymnasiale ou des filières de la formation professionnelle, toute la politique, sous un vernis de démocratisation et de souci pédagogique, n’est qu’alignement sur un modèle d’école tournée vers des apprentissages en fait limités et très orientés par une conception utilitariste.
La LEO ne fait que perpétuer la différence entre les élu⋅e⋅s aux études et les autres. La LPS, prétextant faire accéder les élèves à besoins particuliers à l’école régulière, laissera des enseignant⋅e⋅s démuni⋅e⋅s sans moyens et des élèves sans aide véritable.
Au gymnase, les pressions vers une restriction de l’accès aux écoles de maturité se renforcent dans toute la Suisse. En même temps que les formations professionnelles se parcellisent sous prétexte de spécialisation, faisant reculer la solidité des métiers.
Les forces à l’appui de cette politique sont les anti-Lumières de tout poil: ultra-libéraux et conservateurs, négociant le libre-échange des services (la fin de tout service public) le matin, dégradant les droits des travailleurs/euses l’après-midi, piétinant ceux des immigré⋅e⋅s le soir, et niant la portée émancipatrice du savoir à toute heure.
Plutôt que de s’opposer à cette attaque rangée, les gouvernements répondent par un arsenal de mesures, qui font que l’école est assimilée à une entreprise, avec ses chef⋅fe⋅s (les directions et directions générales) et ses client⋅e⋅s (les élèves et leurs parents). Entre marteau et enclume: les salarié⋅e⋅s-enseignant⋅e⋅s avec leurs qualifications, leurs savoirs, leur autonomie, leur dignité.
Les instruments du pouvoir
Croyant limiter la puissance des forces ultra-libérales et conservatrices, les autorités en place vont de concession en concession et mettent en place une politique scolaire autoritaire et moralisatrice. On dégrade à tout-va la construction intellectuelle, l’accès rigoureux aux grands savoirs et la démarche pédagogique.
Pour ce qui concerne les enseignant⋅e⋅s que nous sommes (cela est d’ailleurs vrai pour les autres employé⋅e⋅s des services publics), cela se traduit par:
– la diminution des budgets: plusieurs plans d’économie depuis le milieu des années 90 ajoutés à des baisses d’impôts;
– la baisse des salaires: «contributions» de crise, annuités rognées, nouvelle politique salariale (DECFO) qui a baissé les rémunérations;
– la dégradation des conditions légales de travail: fin de la sécurité de l’emploi, blocage du temps de travail, inchangé depuis des lustres;
– le cahier des charges qui impose le contrôle permanent et total sur le travail et permet d’accroître systématiquement les tâches assignées;
– l’accroissement des tâches administratives pour les enseignant-e-s, puisque l e personnel des secrétariats et des services centraux ne connaît pas de nouveaux engagements depuis plus de 10 ans.
Ce n’est pas fini. Le gouvernement de ce canton s’apprête à faire 450 millions de francs de cadeaux fiscaux aux entreprises, que nous payerons ensuite en nouvelles baisses de salaires. Bientôt, en lien avec le cahier des charges, on nous imposera les visites de classe systématiques et les entretiens d’évaluation, assortis de pénalités salariales, de formation contrainte, d’imposition de tâches supplémentaires, de fragilisation de notre qualification professionnelle et de notre statut, et de menace contre la sécurité de l’emploi.
L’école-entreprise
Les politiques scolaires veulent satisfaire, formellement, les besoins de l’élève-client. En fait, les besoins de ce dernier n’importent pas. Il n’est que le masque de son futur employeur, et ce sont les exigences de celui-ci qui sont satisfaites.
Dans cette dynamique, le système veut faire des enseignant⋅e⋅s des courroies de transmissions pour administrer mécaniquement des savoirs limités et formatés. Leur formation peut être réduite et leur travail doit être étroitement prescrit et contrôlé.
Il suffit déjà aujourd’hui qu’un député fasse savoir qu’un moyen d’enseignement (qu’il ne connaît pas et qui n’est qu’une partie d’un enseignement qu’il ignore) ne le satisfait pas pour qu’un collègue soit traîné dans la boue et que le département retire le document dans la journée et mette en cause publiquement le travail d’une équipe pédagogique.
Lorsqu’elles/ils sont mis en cause, les enseignant⋅e⋅s sont délibérément tenu⋅e⋅s dans l’ignorance des accusations qui sont portées contre elles-eux. Le département et les directions générales ne défendent pas les collègues. Les directions des établissements, dans la plupart des cas, ne font rien non plus.
Quelles réponses?
Contre l’utilitarisme, l’école doit permettre aux élèves d’accéder à tous les savoirs, dans une perspective de construction intellectuelle, d’acquisition de culture, d’émancipation et de libération. Dans ce but, les enseignant⋅e⋅s ne peuvent être contraint⋅e⋅s par des injonctions de quelque milieu que ce soit. En premier lieu, nous revendiquons la liberté pédagogique.
L’enseignement est toujours une création des enseignant⋅e⋅s. Elle/sils doivent être hautement qualifié⋅e⋅s. Toute tentative d’amener la formation d’enseignant vers un apprentissage élémentaire doit être impitoyablement combattue. Les enseignant⋅e⋅s doivent être autonomes dans l’organisation et la conception de leur enseignement. Ils/elles sont tributaires des savoirs eux-mêmes, de leur histoire, de leurs évolutions, pas de ce que veulent en faire des administrations étroitement bureaucratiques, des entreprises ou des groupes de pression.
La coopération sur les lieux de travail doit être volontaire. Elle a besoin pour se déployer d’une rapide amélioration des conditions de travail faite aux enseignant⋅e⋅s. Elle ne peut être commandée par l’autorité. Celle-ci ne contraint d’ailleurs à la collaboration que pour contrôler les enseignant⋅e⋅s et pas, comme elle le prétend, pour garantir l’égalité de traitement entre les élèves.
Les élèves doivent aussi avoir le temps de pouvoir accéder à ces savoirs. L’école doit donner la priorité à sa fonction d’enseignement et de construction intellectuelle et non pas donner la priorité à la sélection la plus précoce possible. Il est indispensable que les élèves puissent disposer des outils nécessaires pour être maître-sse-s de leur destin personnel et professionnel. Dans ce but, l’école ne peut être limitée dans sa durée obligatoire à 15 ans et elle doit être prolongée jusqu’à 18 ans, avec un renforcement notable de l a formation générale dans l’enseignement professionnel et un accès accru à la maturité professionnelle.
Diminuer le temps de travail!
Ce métier est usant, quoiqu’en dise la démagogie ambiante. Pour le démontrer, il suffit de constater les abandons précoces du métier après quelques années de pratique. Il est nécessaire de diminuer le nombre de périodes d’enseignement et de bloquer l’augmentation du travail non-librement géré (réunion, administration), afin de laisser la place au travail de conception de l’enseignement, à la coopération libre, mais aussi à du temps d’échange avec les élèves et leurs parents.
Les effectifs du personnel administratif doivent être massivement augmentés dans les écoles pour assumer toutes les tâches de soutien logistique et technique et décharger les enseignant-e-s de ce travail.
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Avec nous, luttez pour la liberté pédagogique, pour faire reconnaître et respecter notre métier, pour plus de savoirs et plus d’autonomie!