Notre dernier bulletin « Santé critique ». A télécharger en PDF ou à lire ci-dessous.
Le CHUV est bloqué et nous savons très bien pourquoi. L’hôpital public est mis sous un régime d’austérité systématique qui l’empêche de faire face à toutes ces missions, en pleine croissance. Le personnel manque. Chacune et chacun connaît le problème des absences. Les salaires sont insuffisants. Les conditions de travail sont de plus en plus difficiles quand elles ne sont pas nocives. Le pouvoir au CHUV tente de répondre à tout cela par la répression, qui s’accroît chaque jour un peu plus, par l’exploitation du personnel, chaque jour plus intense que le précédent, par une tentative de généraliser de nouveaux critères de gestion dont les conséquences viendront empirer une situation déjà des plus problématiques. Mais commençons par le commencement. Tout tient dans la revendication des 5%.
Comme toutes les autres catégories du personnel de la fonction publique étatique et des secteurs subventionnés, le personnel du CHUV doit faire face au renchérissement du coût de la vie. Les dispositions légales déterminant une compensation du seul IPC (indice des prix à la consommation) ne permettent pas de faire face à l’ensemble du renchérissement. Or, si ces éléments ne sont pas reconnus et compensés, le pouvoir d’achat des salaires baisse. Les salaires diminuent, tout simplement!
Le personnel de la santé est bien placé pour apprécier l’énorme montée des primes d’assurance maladie. Nous en sommes à 9,9%. On pourrait citer d’autres chiffres: la montée des loyers, l’augmentation dans l’alimentation, la hausse moyenne prévue pour l’électricité en 2024, 18%. Et la liste est encore longue.
L’augmentation de l’IPC d’octobre 2022 à octobre 2023 atteint 1,7%. Le Conseil d’Etat ne veut pas payer un sou de plus. Peut-être même tente-t-il de payer bien moins que ce 1,7%. Or la montée des prix est partout bien plus importante. Donc si nous n’arrachons pas une indexation générale, nos rémunérations se dégradent. C’est pour empêcher cela que les syndicats de la fonction publique et du parapublic revendiquent unitairement une augmentation des salaires de 5%.
Pour rappel, l’année passée la montée de l’IPC elle-même n’avait pas été couverte. Elle était de 3%. L’Etat n’avait concédé que 1,4% plus une prime unique de renchérissement de 0,8% pour les salaires jusqu’en classe 10, et celle-ci uniquement dans la fonction publique étatique. Nous verrons ce qu’il en est cette année. Mais, répétons-le, même la hausse de l’IPC, soit 1,7%, ne permet absolument pas de compenser le renchérissement effectif. Il faut donc se mobiliser pour imposer au Conseil d’Etat et au Grand Conseil aussi dont dépendent beaucoup de choses sur cet objet, une indexation des salaires liés à l’emploi et du salaire socialisé de 5%. Mais puisque nous parlons de revendication, d’autres choses doivent être mises en avant.
Autant de remplacements que d’absences
Les absences sont systématiquement traquées par les temps qui courent. Elles font l’objet de pressions systématiques, de reproches, d’un encadrement pointilleux qui mène très rapidement à des sanctions. On tente d’imposer aux personnes qui ont des problèmes de santé des réunions d’abord destinées à intimider et pas à œuvrer pour améliorer les conditions de travail. L’employeur cherche à limiter les absences, à faire reprendre le travail au plus vite, à pousser vers la porte de sortie les personnes qui ont des problèmes de santé. C’est l’ordinaire dans la gestion du personnel.
La réponse à ce problème est sans doute complexe. Nous savons bien combien les absences affectent les relations entre les travailleurs·euses et au sein même des équipes. Avec des effectifs structurellement insuffisants, les absences engendrent des tensions, parfois des rancœurs. Dans tous les cas, un climat difficile. En pratique, les absences sont la réponse à l’épuisement, à la maladie, à la détérioration de la santé. Le système managérial du CHUV (comme d’à peu près partout ailleurs) ne sait et ne veut répondre à ce problème que par la suppression du problème lui-même. La réponse aux absences (et non à l’absentéisme qui est une pure et simple production idéologique, une disqualification des absent·es) c’est, pour le système, la suppression des absences. A force d’interroger, de contrôler, d’encadrer et de sanctionner, à force de faire de tout cela des critères de gestion dure, l’appareil de commandement pense pouvoir y arriver.
Pour notre part, nous affirmons qu’on ne peut traiter ce problème que par la reconnaissance de ses causes profondes et de ses manifestations les plus immédiates. A chaque absence doit correspondre un remplacement adéquat. En d’autres mots, toutes les absences doivent être remplacées. C’est la seule manière de redonner une cohérence et un fonctionnement juste aux équipes, c’est la seule façon de permettre que les personnes atteintes dans leur santé puissent dans des conditions convenables, y compris sur le plan émotionnel et psychique, s’arrêter et se remettre. Ce que nous demandons pour le CHUV, c’est ce qui se pratique dans l’enseignement obligatoire.
C’est cette organisation qu’il faut négocier et faire aboutir dans les plus brefs délais. C’est notre réponse à la chasse aux absences, qui est par ailleurs et en dernière instance tout à fait négative pour le fonctionnement et la gestion de l’hôpital public. Plus largement, il faut au CHUV un vrai programme de santé au travail, avec des mesures concrètes, chiffrées, avec des échéances précises de réalisation.
Naturellement, nous connaissons la réponse que la direction du CHUV comme le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) apporte à cette revendication. «On ne trouverait pas le personnel, les professionnel·les qui remplacent ne seraient pas efficaces, les coûts seraient trop importants.»
Les deux premiers éléments, à n’en pas douter, comportent une certaine réalité mais la réponse est simple. Il faut bien commencer quelque part malgré les difficultés. Mieux vaut un renforcement des effectifs que rien du tout. Alors commençons ici et maintenant. Quant aux coûts, il faut rappeler que, d’un côté, l’Etat subventionneur entasse les millions et accorde des rabais fiscaux aux plus riches, pendant que, de l’autre, il précarise et fragilise la santé publique. C’est une vraie question. Où met-on la richesse sociale? Dans le service public, dans l’intérêt de toutes et tous ou pour des minorités privilégiées?
Les critères de gestion d’une austérité radicalisée
Il a beaucoup été question du programme «Impulsion» (sic!) et des 25 à 30 millions d’économies (il s’agit de coupes budgétaires, n’en déplaise aux communicateurs officiels du CHUV et du Conseil d’Etat). Pourtant, «Impulsion» n’est qu’un début.
S’appuyant sur les travaux de la Cour des comptes, la droite économique et politique s’en prend maintenant à un aspect autrement décisif du financement de l’hôpital public. Elle en salive en désignant les «montants colossaux attribués sans justification». Au-delà des forfaits versés par le canton, celui-ci accorde des prestations d’intérêt général (PIG). Un tiers des montants vaudois des PIG est mis en question. Soit 150 millions en tout dont 130 millions pour le CHUV et 20 millions pour les hôpitaux régionaux.
Immédiatement après «Impulsion», ce sont ces 150 millions que les forces parlementaires et patronales entendent retirer au budget de l’hôpital public, donc 6 fois plus qu’«Impulsion».
Cette austérité radicalisée se combine avec l’effort permanent du secteur privé de la santé pour s’emparer des prestations et des activités effectuées par l’hôpital public et qui pourrait générer pour ce secteur privé de la santé des bénéfices et un renforcement de sa position.
Partant de là, on comprend bien à quoi sert le comité stratégique, la task force d’ «Impulsion». Les pouvoirs renforcés du Grand Conseil et de ses commissions, ainsi que la campagne systématique des milieux patronaux sont destinés à renforcer la position du secteur privé de la santé.
La réponse à cette offensive est claire. Le financement de la santé publique doit répondre aux besoins sociaux. Nous devons combattre pour que les ressources publiques nécessaires lui soient d’une part attribuées, et, d’autre part, pour que les critères de gestion de la santé publique rompent avec la politique d’austérité cumulative qu’on lui impose. C’est la bataille à livrer pour un service public socialement juste et efficace. Nous y reviendrons.
Encore une remarque. Le personnel du secteur privé de la santé est moins bien traité que les employé·es du secteur parapublic de la santé qui eux-mêmes/elles-mêmes sont moins bien traité·es que les travailleurs·euses du CHUV. Au moment où il s’agit de faire aboutir l’amélioration des conditions salariales du personnel de la santé subventionnée, il faut revendiquer haut et fort que la CCT de ce secteur (qu’il s’agit d’améliorer de manière significative) devienne une convention collective étendue à tout le secteur de la santé subventionnée mais également de la santé privée. La situation que nous connaissons maintenant est celle d’un pur et simple dumping salarial. Il faut établir une égalité de traitement pour tout le personnel de la santé, aligné sur les conditions les plus favorables, celles du CHUV.
Pour un développement sur la situation de l’indexation et notre revendication du 5%, lisez le dernier SUD Info «Ce pour quoi nous luttons: 5% toujours urgent!».