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1er mai 2018
Renforçons le syndicalisme
Imposons un nouveau rapport de forces
Ce 1er mai 2018 prend place dans une période dure. En face de nous, une véritable machine à broyer les acquis sociaux, les salaires, les éléments de sécurité sociale, les espaces démocratiques. Les pouvoirs économiques et politiques que nous devons affronter veulent nous mettre dans les cordes, KO debout.
Au pays de la paix du travail, ce qui domine c’est une stratégie de lutte de classe dure, systématique, coordonnée, permanente. Ce combat qui ne cesse de se durcir et de s’affirmer, ce sont naturellement les employeurs, les financiers, le bloc social privilégié et dominant qui tiennent le couteau par le manche. Mais c’est tout autant l’ensemble du dispositif du pouvoir politique que nous retrouvons à l’initiative des
attaques portées contre les classes populaires, le salariat, les majorités sociales.
Nous sommes pris.e.s à partie de partout, sur le terrain du salaire direct, sur celui du salaire socialisé, dans nos conditions générales de travail, dans nos droits et nos libertés et en particulier sur le terrain syndical.
Les salaires stagnent, la domination monte
Point besoin de rapport savant ni de statistiques interminables. Tout le monde sait qu’en Suisse les salaires stagnent, que les garanties collectives qui pourraient en assurer une progression collective sont démantelées au profit de l’individualisation des rémunérations, avec leurs chiches augmentations à la tête du client pour pousser à la division des collectifs salariés, à la lutte de tou.te.s contre tou.te.s.
En fait, employeurs privés et employeurs publics profitent des gains de productivité qu’ils arrachent par l’intensification du travail, la restructuration permanente et la précarisation. Les Conventions collectives de travail (CCT) et les statuts des divers secteurs de la fonction publique n’assurent plus, dans la plupart des cas, la sécurité de l’emploi, la garantie de la professionnalité, le respect des qualifications, l’augmentation des rémunérations.
Trop souvent, il y a des CCT qui ne le sont que de nom, CCT alibis, textes qui sont des dispositifs à peine
retouchés du Code des obligations (CO). Le besoin de conquérir ou de reconquérir des accords collectifs efficaces pour la défense du salariat, impulsant le progrès social, est d’une urgente actualité. C’est naturellement vrai dans l’économie dite privée, mais c’est tout
aussi nécessaire dans les secteurs publics qui sont
systématiquement mis à mal et démantelés. Cela passe par la revendication centrale d’un salaire minimum
interprofessionnel, permettant de vivre décemment et auquel aucun accord collectif ne devrait déroger, sous aucun prétexte.
Une telle revendication, même si elle est acquise sur le terrain institutionnel, ne peut se concrétiser sans l’action syndicale sur le terrain.
Aller jusqu’au bout de l’égalité
Ce 1er mai 2018, revendique avec force, et c’est d’une justice fondamentale, l’égalité entre les femmes et les hommes, en premier lieu sur le terrain salarial. Mais l’inégalité subie par les femmes en général et par les femmes salarié.e.s est beaucoup plus profonde que l’indispensable alignement des salaires.
Les inégalités en matière de travail auprès des proches et des personnes fragiles pèsent de manière particulièrement inégalitaire sur les femmes sans qu’il y ait pour elles ni compensation suffisante en matière de congés sur le temps salarié, ni amélioration des conditions de retraite et de sécurité sociale pour cette activité. Naturellement, l’égalité dans le partage de ces tâches et la conquête des conditions matérielles pour pouvoir convenablement les accomplir est un objectif central. Mais en attendant sa pleine réalisation, le travail des femmes doit être reconnu, immédiatement.
Mise à mort de la décence commune
Si le salaire direct est attaqué, que dire du salaire socialisé et des prestations liées aux politiques sociales publiques en général? Nous avons un salaire socialisé réduit et mutilé, un Etat social sans cesse menacé, des ressources publiques chaque jour plus insuffisantes. L’offensive des pouvoirs publics et des groupes dominants n’a pas pour seul but de réduire et de dégrader les prestations des assuré.e.s sociaux/ales ou des personnes à l’aide sociale. Le système veut imposer de manière permanente des économies sur les dépenses sociales. Mais en plus, il s’agit d’encadrer et de contrôler, de soumettre et de sanctionner, de mettre au travail dans des conditions discriminatoires par rapport aux emplois ordinaires. C’est la création de toutes pièces d’une catégorie de travailleurs/euses sans moyen de défense et sans droits. L’encadrement policier des assuré.e.s sociaux/ales et la liquidation de leurs droits fondamentaux en dit long sur la détermination du bloc dominant.
Les normes qui relevaient d’un minimum de décence commune sont attaquées sans scrupules. C’est le cas par exemple de l’aide sociale ou des prestations complémentaires. Songeons simplement aux réductions de l’aide sociale jusqu’au minimum de survie, aux coupes de centaines de millions prévues contre les Prestations complémentaires, à la politique systématique qui consiste à chasser des milliers de personnes de l’AI pour les mettre à l’aide sociale.
Tous les domaines de la sécurité sociale, au sens large, sont attaqués, dégradés, démantelés. L’objectif évident et de réduire à la portion congrue, à la stricte survie, les prestations de l’Etat social. Les employeurs ne veulent payer que le travail immédiat, subordonné, contrôlé, et commandé. Ils veulent tout ramener au salaire direct proprement dit. Ils démantèlent le salaire socialisé et les prestations sociales publiques, frappent le service public, frappent et dégradent les retraites.
Salaire à vie
Il y a une importance décisive à ce que le salaire projeté sur la vie professionnelle et sur la retraite, direct et socialisé, fasse l’objet d’une lutte intégrée et cohérente. Elle peut être définie comme un combat pour le salaire à vie, dans le cadre d’un statut politique du producteur/trice, garantissant notre qualification, notre professionnalité, le salaire sur tout le cours de l’existence active et de la retraite. Une sécurité sociale renforcée, refondée, rendue indépendante des ressources liées à fiscalité socialement toujours plus injuste a besoin d’un syndicalisme social. Les prestations sociales, les dépenses, le salaire socialisé proprement dit, tout cela doit être financé par la cotisation sociale. Tout cela doit être lié à un statut politique du salariat, avec une sécurité sociale professionnelle couvrant l’ensemble du salariat, tout au long de l’existence des travailleuses et des travailleurs, y ompris, durant la période de retraite.
Les enjeux d’une sécurité sociale généralisée
Parler de sécurité sociale généralisée, de statut politique du salariat, de salaire à vie, c’est se situer en position de combat contre le mouvement systématique de subordination et de précarisation de la force de travail. Nous traitions plus haut de l’inégalité et de l’injustice faites aux femmes. Cette inégalité est une précarité délibérément construite. Mais la précarité du travail, en expansion recherchée et permanente, touche désormais tous les aspects de l’activité laborieuse, toutes les composantes de la force de travail. Ce sont, par exemple, la généralisation des stages, l’exigence étendue de travail gratuit, la croissance des formes limitées et fragilisées de contrat, la réduction du temps de la vie professionnelle durant lequel on peut bénéficier d’un statut stabilisé et d’un salaire susceptible de connaître quelques améliorations.
Cette fragilisation de l’activité salariée est porteuse aussi d’une souffrance accrue au travail, d’une subordination sans cesse plus profonde, plus fouillée, dans une volonté des employeurs de contrôle total sur l’activité au travail, dans une quête patronale de transparence proprement despotique. Il y a donc urgence à sécuriser l’emploi, à conquérir un véritable statut du salariat, à arracher des éléments de stabilisation et de protection pour les travailleurs.euses. Dans la lutte contre la subordination totale que l’on veut nous imposer, il y a l’exigence pour les salarié.e.s de retrouver et d’élargir leur pouvoir d’agir. Le terrain de mobilisation du travail n’est pas simplement celui de la rémunération, directe ou socialisée, mais tout autant, et par
excellence, celui de la démocratie sociale, du contre-pouvoir de celles et ceux qui produisent les biens et les prestations qui font la véritable richesse sociale.
Le droit syndical est dénié
Car c’est bien de démocratie sociale qu’il s’agit. En Suisse, la possibilité pour les employeurs de sanctionner et de licencier de manière discrétionnaire est un obstacle décisif à la construction sur les lieux de travail et dans la société de structures syndicales. Les employeurs, publics ou privés, cherchent à empêcher les travailleuses et les travailleurs de porter, à un niveau supérieur, la puissance syndicale. Tout est fait pour que soit brisée la force de mobilisation qui lui permet de se déployer, de s’enraciner et de gagner les avancées sociales qui nous manquent tant. La précarisation croissante des conditions de travail est inséparable du droit syndical, qui nous est dénié. Il n’y a pas et il n’y aura pas de démocratie sociale digne de ce nom sans la conquête de la liberté syndicale effective, celle qui permet de construire des syndicats sur les lieux de travail et dans la société, sans menace de répression et de rétorsion. La construction syndicale est la seule arme véritable que nous ayons pour faire que le salariat soit entendu, que ses revendications soient prises en compte et qu’il y ait un véritable principe de négociation qui s’impose partout, dans le monde du travail.
Gagner le principe de la négociation c’est refuser la subordination totale, discrétionnaire, dont les employeurs veulent faire le noyau dur de notre condition salariée. Nous ne voulons pas être une pâte molle, malléable, corvéable à merci. Il faut sortir de l’appréhension et de la peur qui marquent si durement la condition salariale.
Sans véritable puissance syndicale il n’y a pas de dialogue social qui vaille. Sans mobilisation, sans lutte, sans organisation, portées depuis la base par les salarié.e.s, il n’y a pas de puissance syndicale possible.
La double besogne
L’activité syndicale désenclave les revendications, les fédère, les met en communication et les unit. Cette besogne, qui est celle du quotidien, a une envergure qui constitue, tout aussi fondamentalement, un mouvement de transformation sociale.
Or, les luttes qu’il nous faut livrer demandent que nous sortions du corset d’une paix du travail qui sert d’abord à paralyser notre action, à réduire nos revendications, à nous empêcher de faire bouger les lignes des possibles. Sans mobilisation, nous sommes enfermé.e.s dans une situation de non liberté. Naturellement, le syndicalisme doit négocier pour avancer, mais il n’y a pas de négociations sans rapport de forces et il n’y pas de rapport de forces sans action.
Le syndicalisme efficace est militant. Il repose sur l’engagement des salarié.e.s. Il vise toujours, même si le cours en est laborieux, l’autogestion des syndicats par les travailleurs et les travailleuses qui construisent en leur sein leur libre association.
SUD
Travailleuses et travailleurs en formation:
ce salaire qui nous est dû
Nos études sont sources de richesses; richesse du point de vue du savoir humain général et de son avancée, richesses aussi du point de vue des retombées sociales positives qu’elles peuvent engendrer.
Historiquement, les luttes sociales et politiques autour du travail ont permis d’arracher au patronat l’obligation de payer aux travailleuses et travailleurs certaines périodes de «non-productivité» (au sens capitaliste). De même que les congés (maternité, vacances), de même que la période qui suit ce qu’on appelle communément «le» travail (c’est-à-dire la retraite), la période qui le précède ou accompagne ses temps initiaux (c’est-à-dire la formation), doit être traitée comme une période où l’utilité de l’individu, ainsi que, par suite, sa productivité, sont reconnues et socialement rétribuées par le système de cotisations.
Dans ces moments spécifiques et communs de la vie des gens que sont les congés ou la retraite, alors même qu’ils ne produisent de valeur pour aucun patron, on reconnaît qu’ils produisent de la valeur pour la société de façon large, et qu’il faut donc leur donner les moyens matériels et financiers de leur autonomie. Cette reconnaissance est évidemment le résultat de certains combats sociaux et politiques, et de certaines victoires; nous nous proposons donc de tabler sur ces droits acquis par la lutte (et pour le maintien desquels la lutte continue!), et de les étendre.
La formation fait partie de notre statut de travailleur/euse, il faut donc lui adjoindre la nécessaire rétribution qui vient reconnaître non pas l’(in)utilité du travail fourni au sens économique étroit que lui donne le Capital, mais son utilité sociale.
Parler de travail dans ce contexte peut porter à polémique, car c’est un concept dont la définition est le terrain d’un vaste combat idéologique. Les employeurs cherchent constamment à circonscrire le travail dans le cadre étroit du contrat de travail, liant un salarié à son patron, et plus généralement dans le cadre d’une économie concurrentielle vouée au profit. Néanmoins, le travail dépasse sa seule définition capitaliste. Notre conception le définit comme toute activité socialement utile, et donc objectivement productrice de richesses.
N’est richesse, pour les employeurs, que ce qui peut être vendu à profit, acheté, échangé: ne possède donc valeur que ce qui peut entrer dans ce circuit de richesses et, par conséquent, n’est travail que ce qui produit de la valeur en ce sens-là, et en ce sens-là seulement. Les étudiant·e·s, les apprenti·e·s, les stagiaires, aucune de ces catégories ne répond à la notion de travail au sens capitaliste du terme, ou si peu. C’est pourquoi, comme travailleurs/euses en formation, nous subissons des formes particulièrement insidieuses et violentes d’exploitation, et c’est pourquoi nous nous devons de les confronter conjointement, en avançant une nouvelle compréhension de ce qui fonde le travail, les richesses, la valeur – une compréhension en phase avec les réalités de notre condition, et qui ouvre des voies émancipatrices nouvelles pour tou·te·s les travailleurs/euses.
Face aux attaques contre nos conditions de travail et de vie, face à la précarisation générale, des luttes sont menées actuellement. Partout. On le voit actuellement en France et, toutes proportions gardées, en Suisse, contre la sélection, les privatisations et les taxes d’études, avec manifestations et occupations. En Belgique, avec des grèves contre le contenu des cours et la dégradation des conditions d’études, avec la création d’une caisse mutuelle d’entraide juridique. Au Québec, avec la campagne des Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE) pour la rémunération des stages, qui a déjà eu une victoire d’étape, après une grève qui a acculé le monde politique. Partout, la forme syndicale de lutte est privilégiée, et ce n’est pas un hasard. Action directe, occupation, grève, revendication sur les revenus et les conditions de formation; en creux, partout, la reconnaissance de la formation comme un travail.
L’horizon unificateur de ces combats, celui qui (avec la défense du service public) peut relier situations particulières, convergence des luttes et transformation émancipatrice de toute la société, c’est bien celui du salaire étudiant. Au-delà de la nécessaire solidarité entre nos luttes défensives au quotidien en tant que travailleurs/euses en formation, en lien avec tou·te·s les travailleurs/euses, il nous faut une perspective offensive.
Etendons la portée du salaire,
réapproprions-nous le travail:
pour un salaire étudiant!
SUD-EP